JEAN STIEGEL - FUSILIER DU ROI LOUIS XVI
(1778-1781)
Commentaire d'une expert - Jacques de Trentinian, membre de la Branche Francaise des SAR
PREMIERE PARTIE
LES ANNEES D’AVANT LA GUERRE D’INDEPENDANCE AMERICAINE
4 - Jean Stiegel devient fusiller du roi
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Bientôt, l'aide aux rebelles s'organisa. Vergennes commença à fournir discrètement aux Américains par l’intermédiaire de l’écrivain et aventurier Beaumarchais des armes, des uniformes et autres fournitures.
[Jugement sévère sur Beaumarchais qui aurait tant voulu être ambassadeur (son rôle ne fut pas mince pour convaincre le Roi et son ministre Vergennes de l’urgence d’un engagement de la France aux côtés des insurgés) et dont on dirait aujourd’hui qu’il était un entrepreneur, plutôt qu’un aventurier]
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Quelques mois plus tard, Silas Deane écrit: « La rage de s'engager au service de l’Amérique va croissant et la conséquence est que je suis inondé d'offres, dont beaucoup viennent de personnes de haut rang... » Le roi lui-même doit intervenir lorsque le comte de Noailles et le comte de Ségur, deux des plus grands noms du royaume, veulent partir aux côtés du jeune marquis de La Fayette, au risque de compromettre prématurément la France. Noailles et Ségur s'inclinent, mais La Fayette achète secrètement un bateau, la Victoire, et s'enfuit à Bordeaux puis en Espagne .
[Ne négligeons pas le rôle du comte de Broglie, ancien chef du secret du Roi, qui a amené La Fayette au dîner de Metz pour le sensibiliser au combat des insurgés, l’a introduit à la franc-maçonnerie, lui a donné comme mentor Jean de Kalb et a fait pré-financer la Victoire par son secrétaire (mineur, La Fayette ne pouvait, en effet, toucher à sa fortune)].
d'où il fait voile vers Georgetown, où il débarque en juin 1777.
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La Fayette finit donc par obtenir un brevet de major général. Rejoignant le front au moment où le général anglais Howe marchait sur Philadelphie, il est blessé à Brandywine, [et se conduit remarquablement, ralliant les fuyards malgré ses blessures] avant de suivre Washington à Valley Forge, où le commandant des insurgés a installé son quartier général. ……………………
En prévision du conflit qui s’annonce, Louis XVI ordonne le 30 janvier 1778, le rappel des milices provinciales. 75,000 hommes vont ainsi être disponibles pour servir dans les garnisons de métropole, patrouiller comme garde-côtes, et fournir des volontaires à l’armée régulière. L’armée française est donc fin prête lorsque le 6 février Louis XVI officialise avec Benjamin Franklin un traité de commerce et d’amitié [et un traité secret d’alliance militaire défensive] entre la France et les Etats-Unis d’Amérique.
6- L’armée française à la veille de la guerre d’indépendance américaine
En dépit des accusations de « prussianisation » de l’armée, les réformes de Choiseul furent poursuivies par ses successeurs. Le comte de Saint-Germain, ministre de 1775 à 1777 causa le plus de protestations en essayant d’introduire le principe du châtiment corporel, en abolissant une partie de la garde royale (notamment le corps des mousquetaires) et en mettant à la retraite certains des 865 colonels. [attention : 865 personnes avaient le titre de colonel, mais la plupart n’étaient plus en activité depuis belle lurette ; Saint-Germain a créé des emplois de lieutenant_-colonels, justement afin de trouver du boulot o tt le monde] Il réorganisa tout, en général pour le meilleur, des systèmes d’approvisionnement à la milice…………..
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DEUXIEME PARTIE
LES PREMIERES ANNEES DE GUERRE ( 1778-80)
1- Les opérations militaires outre-mer
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L’année 1779 vit une intensification des combats sur tous les fronts. Des renforts de troupes anglais et français continuèrent d’affluer dans les colonies et en mai, l’Espagne se joignit à la lutte aux côtés de la France. Ce fut alors au tour de la France de prendre l’initiative. Le 31 janvier, les français capturèrent la ville africaine de St-Louis du Sénégal. Le 18 juin, les troupes françaises se saisirent de l’île de St-Vincent aux Antilles et le 4 juillet, 3 ans exactement après la déclaration d’indépendance des 13 états américains, les Français prirent l’île antillaise de la Grenade. [premier gain important dans la guerre économique qui alait mettre le Royaume Uni à genoux] La première opération française en territoire américain eut lieu le 13 septembre, lorsque l’amiral d’Estaing fit voile vers la Géorgie avec 2800 hommes et rejoignit les troupes américaines du général Lincoln. Les troupes franco-américaines assiégèrent la ville de Savannah mais la garnison anglaise résista et un mois après le début de l’opération les alliés se retirèrent.
[Cet échec eut, cependant, des résultats positifs : les Anglais évacuèrent Newport, où Rochambeau put librement débarquer quelques mois plus tard ; d’Estaing revenu à Paris en décembre appuya fortement le projet d’envoyer un corps expéditionnaire et conseilla à ses successeurs de toujours s’équiper des pilotes locaux qui lui avaient cruellement manqué dans ses entreprises.]
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2- Envahir l’Angleterre
Dès le début des hostilités, la vieille tentation française d’invasion de l’Angleterre revint au premier plan des préparatifs de guerre et des troupes furent concentrées sur les rivages breton et normand. Les ministres Sartine et Montbarey commencèrent à travailler à un plan d’invasion [le comte de Broglie avait, dès le gouvernement de Choiseul élaboré des plans très détaillés pour un débarquement qui servirent de base pour son travail de 1778/79] et leur première ébauche fut prête dès le 19 mars 1779. Leur but était d’occuper l’île de Wight avec 20.000 hommes puis de débarquer à Gosport [Cawsand] d’où ils espéraient détruire l’arsenal naval de Portsmouth et peut-être même la flotte anglaise par bombardement au mortier. Le 12 avril 1779, l’Espagne rejoignit la coalition contre l’Angleterre et signa un traité d’alliance avec la France, bien qu’elle ne fut pas disposée à reconnaître formellement les Etats-Unis. …………… L’amiral d’Orvilliers reçut la charge de cette mission, mais en mai sa flotte n’était pas encore prête et il ne put lever l’ancre avant Juin.
Pendant ce temps, au Havre et à Saint-Malo, la concentration de troupes et de transports continuait jusqu’à atteindre 40.000 hommes. La Fayette qui avait reçu l’autorisation du congrès américain de revenir en France pour essayer de convaincre le roi d’envoyer une armée en Amérique
[ce point est discutable, car c’est seulement en septembre que le Congrès se fit une raison pour accepter l’idée que des troupes de Français débarquent en Amérique ; et il fallut cette décision pour convaincre Franklin, lequel craignait que les immoraux Français ne débauchent les vertueux citoyens de l’Amérique …], après avoir formé un rojet d’expédition à Jersey, puis en Angleterre, fut nommé à l’état-major du comte de Vaux (lequel était établi à Paramé, près de Saint-Malo)] et se trouvait au Havre, parmi les officiers qui attendaient impatiemment le signal du lancement de l’invasion. Alors qu’il poursuivait ses efforts en faveur de la cause américaine, il avait également demandé le commandement de l’armée d’invasion de l’Angleterre
[impensable : le commandement est passé du maréchal de Broglie au comte de Vaux, mais La Fayette ne pouvait rêver d’un commandement de ce niveau. Par contre il sollicita vigoureusement l’année suivante le commandement du Corps qui fut confié à Rochambeau]
mais celui-ci fut confié au comte de Vaux, un général plus expérimenté. D’un point de vue opérationnel, cette entreprise fut d’abord l’œuvre du général Rochambeau qui avait commencé à préparer une invasion de l’Angleterre dès 1776
[non : les projets sont du comte de Broglie, frère du maréchal. Rochambeau fut appelé en 1778 à commander des manœuvres à Vaussieux, permettant de comparer deux tactiques générales de combat, ordre profond ou ordre mince. En 1779, l’avant garde du comte de Vaux, rassemblée autour de saint-Malo lui fut confiée] Depuis, il avait fourni de gros efforts pour préparer ses troupes à une telle opération. Quant à La Fayette, il obtint tout de même un commandement au sein de l’opération. Il était d’ailleurs rempli d’ardeur à l’idée de l’invasion qui s’annonçait. Il écrivit à Vergennes : « l’idée de voir l’Angleterre humiliée, annihilée, me fait trembler de joie… jugez alors si je suis impatient de savoir si je serai le premier à arriver sur cette côte, le premier à planter le drapeau français au milieu de cette nation insolente. »
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L’armada franco-espagnole
En juin, d’Orvilliers enfin prêt, fit voile vers le port espagnol de la Coronne [Corogne] où il devait se joindre à la flotte espagnole. Bien que le roi d’Espagne souhaitait ardemment cette opération, lorsque le moment d’agir fut arrivé, la flotte espagnole n’était pas prête et il lui faudra 6 semaines de plus pour s’organiser et se joindre aux français. Les tergiversations espagnoles ne s’arrêtèrent par là ; les officiers espagnols refusèrent d’obéir à des ordres français et ils essayèrent même de dissuader leurs alliés de lancer l’opération, préférant maintenant une attaque sur Gibraltar. Finalement les dissensions s’apaisèrent et la flotte put lever l’ancre en direction du nord. Elle comptait 66 vaisseaux de ligne, nombre bien supérieur à ce que les anglais pouvaient aligner dans la Manche.
En août, l’armada franco-espagnole pénétra enfin dans la Manche mais en dépit de sa supériorité numérique, l’opération alliée était mal engagée. D’une part, du fait du long séjour passé en Espagne, la flotte française qui avait appareillé en Juin avait déjà presque épuisé ses réserves d’eau et de nourriture ; d’autre part des épidémies de variole
[non : de typhus (exanthématique), alors désigné sous le nom de « fièvre putride »] et de scorbut décimaient la flotte. D’Orvilliers dut même déplorer la mort de son fils. Il y eut tant de marins malades qu’il manquait souvent du personnel pour manœuvrer les navires, et à fortiori s’occuper des canons en cas de combat.
……………………………. En effet le gouverneur de Plymouth avait signalé dans une lettre que ses défenses étaient si faibles que les français n’avaient qu’à débarquer pour se rendre maître des quais « en moins de 6 heures ». Ce n’est que la méconnaissance qu’avait d’Orvilliers de la situation anglaise qui leur évita le pire.
[ce fut aussi la conséquence de l’attitude espagnole, qui après avoir exigé une opération en Europe et non en Amérique, non seulement arriva au rendez-vous des îles Sisargas avec le retard que vous indiquez, mais fit constamment monter les enchères exigeant des forces de débarquement de plus en plus considérables. Comme le disait le maréchal Foch : « depuis que je sais ce que c’est qu’une coalition, j’ai beaucoup moins d’estime pour Napoléon !]
D’Orvilliers arriva à Brest le 19 septembre 1779. Les tempêtes d’automne avaient commencé
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Service en métropole (1774-1780)
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Stiegel suivit le régiment à Arras, où il ne resta que trois mois. En février 1778, la guerre entre la France et l’Angleterre était imminente et le régiment de Beauce fut envoyé au Havre où le roi rassemblait une armée pour attaquer l’Angleterre. C’est durant cette période de transit du régiment que Stiegel fut finalement officiellement enrôlé dans la compagnie du capitaine de Courcelle. Au Havre,
[ou plutôt au camp de Vaussieux et alors que le général en chef était encore le maréchal de Broglie, car l’année suivante, en 79, le comte de Vaux et Rochambeau étaient à St-Malo] plusieurs des meilleurs généraux français dont Rochambeau, La Fayette et le Comte de Vaux entraînaient les troupes pour les préparer à une éventuelle invasion. Lorsqu’en octobre 1779 le roi renonça à l’invasion, la concentration militaire du Havre fut dissoute, mais comme d’autres opérations outremer restaient possibles, ces régiments restèrent postés aux alentours. Ainsi en novembre 1779, le régiment de Beauce se retira de quelques kilomètres sur la ville de Lisieux.
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TROISIEME PARTIE
L’EXPEDITION AMERICAINE
1- Convaincre le roi
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La flotte rassemblée à Saint-Malo et au Havre
[il ne restait plus beaucoup des 450 bateaux de transport affrétés pour l’invasion ; quant à la flotte de guerre, elle revint de Cadix, … mais à Brest] rendait possible l’envoi d’un corps expéditionnaire en Amérique comme le demandait La Fayette mais Louis XVI était toujours incertain d’une part à cause des dissensions internes parmi les rebelles américains et aussi car il craignait que son allié le roi d’Espagne Charles III ne prenne ombrage d’une victoire trop décisive des Américains, juste à la porte de son propre empire colonial
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C’est pourquoi en mars 1780 le roi décida finalement d’envoyer une armée aux Amériques, pour la plus grande joie de La Fayette et des milliers de volontaires français qui brûlaient du désir de servir la cause de la liberté aux dépends de l’ennemi héréditaire.
[à ceci près que la destination de la force confiée à Rochambeau fut tenue secrète sauf pour quelques rares initiés, jusqu’à ce qu’elle fût en mer] Vergennes considérait que La Fayette était trop jeune pour commander une telle opération.
[le choix incomba à Montbarey, ministre de la Guerre plutôt qu’ à Vergennes] C’est pourquoi il confia le commandement du corps expéditionnaire français au général Rochambeau et renvoya La Fayette en Amérique avec pour mission d’informer Washington de l’arrivée imminente des troupes françaises.
2- La premier corps expéditionnaire français (juillet 1780)
Le plan de Rochambeau suivait à peu près celui que La Fayette avait concocté un an plus tôt. L’armée débarquerait à Newport dans le Rhode Island, et de là rejoindrait les forces de Washington autour de New York.
Lorsque Rochambeau arriva à Brest en mars 1780, il constata que les navires qui l’attendaient n’étaient pas aussi nombreux qu’il l’avait espéré. La plus grande partie de la flotte était retournée aux Antilles dès février avec trois régiments pour y combattre la flotte anglaise.
[le problème fut celui des navires de transport, et non des vaisseaux de guerre] Ainsi il ne pourrait embarquer que la première division de son armée ; triste revers pour le général en chef de l’armée d’Amérique. Rochambeau prescrivit qu’on sélectionne au moins les hommes les plus robustes pour la traversée, et pour économiser de la place, qu’on renonce à emmener les chevaux, y compris le sien. La flotte serait commandée par l’amiral de Ternay.
Quand tous les transports furent remplis,
[bien avant de les remplir : en constatant simplement la capacité de ces bateaux] on arriva au chiffre de 5000 hommes. La capacité limite des navires fut atteinte au point qu’un grand nombre de jeunes hommes, certains appartenant aux plus célèbres familles de France, et qui arrivaient journellement à Brest dans l’espoir d’être engagés dans l’expédition,
[les partants rêvaient de servir mais pas nécessairement pour l’Amérique : voir les mémoires de Lauberdière qui ne savait même pas pour quelle destination il partait et Rochambeau qui ne nomma ses aides de camp qu’en mer afin que l’on puisse imaginer qu’il amenait simplement des troupes en renfort, par exemple pour les opérations de Méditerranée. Saint Maisme écrit le 21 avril 80 à Berthier que l’on dit que la destination est probablement Québec] durent être renvoyées chez eux. La flotte avait déjà gagné la haute mer lorsqu’un cotre apporta à Rochambeau les dernières instructions du gouvernement
[limitées à la recommandation pour l’emploi des Berthier]. Accompagnant le message, se trouvaient deux frères du nom de Berthier, qui insistèrent pour être acceptés comme volontaires. « Ils nous ont rejoint hier, écrit le général au ministre, et nous ont remis vos lettres … ils portaient culottes et veste de lin et demandaient à être acceptés comme simples matelots. » Malheureusement il n’y avait pas de place pour eux à bord. « Ces malheureux jeunes hommes sont attrayants et désespérés. » Pourtant ils furent reconduits mais réussirent tout de même à rejoindre l’armée par la suite.
Alors que les troupes françaises traversaient l’Atlantique, les anglais poursuivaient leur offensive américaine et en mai ils capturaient la ville de Charleston. Le 11 juillet 1780, le convoi de Rochambeau aperçut enfin la côte du Rhode Island à la hauteur de Newport. Parmi ses officiers se trouvaient plusieurs des noms les plus célèbres de France tels que Montmorency, Custine, Chartres, [Charlus ?] Noailles, Lauzun... Pourtant l’espoir soulevé par l’arrivée des français fut de courte durée. En effet, peu après leur arrivée, une puissante flotte de guerre anglaise fut aperçue aux larges des côtes de New York. Cette flotte était commandée par les amiraux Arbuthnot et Rodney. Cette large présence compromettait les plans d’une attaque rapide sur New York. Un mois plus tard la situation s’aggrava encore lorsque le 16 août, sur le front sud, les anglais infligèrent la plus sévère défaite de la guerre à l’armée américaine. Il fut établit que les deux tiers des 3000 hommes qui s’opposèrent au même nombre de soldats anglais s’enfuirent sans tirer un seul coup de feu. Ces hommes il est vrai étaient pour la plupart des miliciens alors que les anglais alignaient des troupes expérimentées.
[ceux qui résistèrent étaient aux ordres du major-général, baron de Kalb, qui mourut de ses blessures. Né en Bavière il avait servi constamment dans l’armée royale française depuis son plus jeune âge, comptait 35 ans de services dans cette armée, s’était marié et fait baron en France. Subordonné du comte de Broglie, c’est lui qui avait accompli une mission exploratoire sous Choiseul en Amérique et il fut plus tard le mentor de LaFayette lors de son discret départ de France] Cette bataille prouvait une fois de plus la faiblesse des rebelles dans les batailles rangées.
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2- Projet d’un second corps expéditionnaire français
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Stiegel arriva probablement à Brest durant les dernier jours de l’année 1780, pour être placé une fois de plus dans l’attente d’une opération à venir. Cette fois pourtant, il partira et le fils du pauvre berger alsacien était sur le point de prendre part à des évènements qui changeraient le monde pour toujours. Sur les détachements de Beauce partis en Amérique à partir de cette date, on ne trouve guère que :
1 - Comme garnisons de vaisseaux de l’armée de Grasse
Sur La Couronne, 153 fusiliers, 20 sous-off et 3 officiers = de Ribelon capitaine en second, Chevalier lieutenant en premier et Dejean de Saint-Marcel sous-lieutenant.
Sur le Zodiaque, 112 fusiliers, 16 sous-officiers, 2 officiers = de Maisonneuve capitaine en second et Dupeloux lieutenant en premier.
2 - Et, parmi les 3.602 hommes de renforts débarqués à Saint Domingue le 18 juillet 1781, il y a 69 hommes de Beauce. Ils étaient partis à 80, mais un est mort en mer et 10 ont été laissés malades à l’hôpital de la Martinique.
Il n’y avait aucun autre homme de Beauce parmi les 3791 hommes de renfort débarqués à la Martinique le 9 mai 1781
Remarque sur la Couronne : le même vaisseau avait déjà transporté sous Guichen début 80 une partie du régiment de Touraine aux Antilles.
3- Un amiral pour la flotte
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Le 3 janvier 1781, la flotte française [venant de Cadix] arriva enfin à Brest, après deux mois d’une traversée épuisante face à des vents contraires et des équipages décimés par le scorbut, la fatigue et les fièvres. Cette force concentrée de 38 vaisseaux de ligne n’avait pas aperçu un seul navire anglais et la France attendait toujours une victoire navale majeure tant désirée depuis si longtemps et qui tardait à venir. Le 5 janvier, les volontaires de Luxembourg échouèrent dans une nouvelle tentative de se saisir de l’île de Jersey dans la Manche. L’attention générale allait dorénavant se concentrer sur les opérations outremer.
Le plan préparé par Versailles prévoyait que l’armée navale rassemblée à Brest soit répartie en trois divisions. La première escadre conduite par 10 vaisseaux de ligne irait affronter les forces anglaises en Inde, la seconde conduite par 7 vaisseaux de ligne irait au Rhodes Island pour apporter des vivres, du matériel, de l’artillerie de siège et des recrues à l’armée de Rochambeau, alors que la troisième escadre, la plus nombreuse, comprenant 21 vaisseaux de ligne serait le fer de lance des opérations navales françaises aux Antilles, et en Amérique.
Ces chiffres doivent être reconsidérés :
Pour l’Inde, Suffren, dispose seulement de 5 vaisseaux de ligne, une frégate (la Fine) et une Corvette (la Fortune), escortant 7 transports de troupe avec 1.200 soldats.
Pour Rhode Island, un seul vaisseau de ligne (Le Sagittaire) escorte les transports amenant renforts et ravitaillement. Il sera rejoint le 5 avril au voisinage des Açores par la frégate La Concorde qui porte Barras et le fils de Rochambeau.
Pour les Antilles (et le soutien aux opérations Franco-Américaines) de Grasse part avec 20 vaisseaux de ligne (plus 2 armés en flûtes : le Sceptre et le Fier, pour transporter des vivres), 3 frégates, et deux cutters, escortant un convoi d’une centaine de transports.
Soit en tout : 5 +1 + 22 (dont 2 en flûte) = 28 vaisseaux de ligne et 1 + 1 + 3 = 5 frégates, en comptant celle de Barras.
Sur la recommandation de ses ministres, Louis XVI nomma le comte de Grasse lieutenant-général de ses armées navales et lui confia le commandement de l’escadre principale. Le roi espérait que de Grasse donnerait à la France la victoire décisive tant attendue en remplissant trois objectif : premièrement, de Grasse devait assurer la protection des 92 navires marchands qui attendaient de pouvoir traverser l’Atlantique vers les Antilles. Deuxièmement, la flotte devait rompre la suprématie de la flotte anglaise dans les îles et en coopération avec ses forces d’infanterie et les régiments déjà basés dans les colonies, elle devait permettre la capture d’îles anglaises stratégiques. Troisièmement, la flotte irait porter secours aux armées de Rochambeau et Washington en Amérique qui manquaient cruellement de support naval. Le roi nomma le comte de Barras à la tête de l’escadre à destination du Rhodes Island
[il part, sans escadre, sur la frégate La Concorde, quatre jours après de Grasse, le rejoint le 4 avril, avant d’aller prendre en Rhode Island le commandement de la flotte jadis sous Ternay, décédé en décembre 80 et temporairement commandée par Sochet des Touches] et l’amiral [le commandeur de Suffren n’est encore que capitaine de vaisseau faisant fonction de chef d’escadre] Suffren au commandement de l’escadre en partance pour l’Inde. [Remarque : la campagne de Destouches contre Arbuthnot à la Chesapeake en mars 1781 mériterait d’être mentionnée.] ……………………..
5- Préparatifs de l’armée navale
De la main d’œuvre supplémentaire fut nécessaire pour compléter le travail et les marins furent mis à la tâche. Pourtant après 32 mois de campagne aux Antilles et en Amérique, les équipages étaient à bout de force. Des milliers d’hommes avaient été affaibli par le scorbut et la fièvre et sortaient à peine de l’hôpital. Malgré tout, tous contribuèrent à l’effort de remise en l’état de la flotte, travaillant de l’aube à minuit. De Grasse lui-même était sur le chantier dès 4 heures du matin, supervisant le travail en dépit d’une mauvaise fièvre qu’il avait ramené des Antilles. Il est peu probable que les soldats furent sollicités pour participer à l’effort général étant donné leur manque de connaissance en techniques navales.
[le contraire serait aussi étonnant : les hommes des garnisons de vaisseau étaient employés, à bord aux tâches ne demandant pas trop de technicité] Il est possible que certains d’entre eux furent utilisés pour escorter les provisions et fournitures diverses qui arrivaient à Brest et qui étaient entreposées sur le quai en attendant d’être embarquées sur les navires.
……………. De Castries monta à bord de la « Ville de Paris », le navire amiral de 104 canons d’où de Grasse lui présenta la flotte et une simulation de combat naval. La flotte rassemblée dans le port de Brest comptait 38 vaisseaux de ligne, six frégates, deux corvettes et deux cotres. [il y a une coquille dans J-J. Antier, page 172, il a écrit 38 au lieu des 28 de la page précédente.
6- L’armée navale appareille pour l’Amérique
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Alors que la flotte appareillait, les talents diplomatiques du comte de Vergennes avaient laissé l’Angleterre complètement isolée. En novembre 1780, ne trouvant aucun allié, celle-ci avait déclaré la guerre à la Hollande. En 1781, les puissances navales secondaires du Danemark, du Portugal, de la Suède et de la Russie se regroupèrent sous une « neutralité armée », quant à la Prusse et à l’Autriche ils tenaient à rester totalement au-dehors du conflit. Ainsi la guerre serait jouée et gagnée exclusivement sur mer et outremer.
[pas tout à fait : c’est Catherine de Russie qui a lancé cette ligue de neutralité armée à la quelle finirent par se joindre la Prusse et l’Autriche]
La flotte commandée par de Grasse était composée de 3 escadres. A l’avant il y avait l’escadre bleu et blanche commandée par Bougainville, célèbre pour son récent tour du monde. Au centre, voguait le corps de bataille principal de l’Amiral [du comte] de Grasse arborant un étendard blanc, alors qu’à l’arrière se trouvait l’escadre bleue de M. d’Espinouze. En chemin, la flotte rencontra un navire suédois qui annonça que l’amiral Rodney avait capturé et pillé aux Antilles l’île hollandaise de Saint Eustache. Dans l’opération, les hollandais avaient aussi perdu St. Martin et Saba. Les anglais n’avaient même pas attendu que la déclaration de guerre ne parvienne aux Antilles pour attaquer. De plus ils avaient attaqué sous pavillon hollandais ce qui leur avait permis de capturer 120 navires et leur cargaison.
Le 29 mars, près de Madère,
[à la lattitude de Lisbonne, soit 500 km plus au nord] de Grasse signala à Suffren qu’il pouvait se séparer du convoi et poursuivre sa route en direction de l’Inde. Le 5 avril, la flotte [la frégate] de Barras qui avait quitté Brest 4 jours après de Grasse, rattrapa la flotte près des Açores avant de continuer vers Newport. Il escortait 30 navires marchands qui transportaient des marchandises de première importance pour l’armée de Rochambeau, ainsi que 660 recrues pour renforcer ses régiments. De Grasse remit à Barras une lettre
La Traversée Il est difficile de se faire une idée aujourd’hui de ce que représentait l’épreuve d’une traversée de l’Atlantique au XVIIIe siècle, surtout que les témoignages de soldats sont rares. Il existe pourtant un journal écrit par un fusilier du régiment allemand Royal Deux-Ponts (qui faisait partie du corps expéditionnaire de Rochambeau). Georg Daniel Flohr, un allemand du duché de Zweibrucken écrivit ses mémoires de l’expédition d’Amérique à Strasbourg en 1787. Ce journal est aujourd’hui propriété de la bibliothèque de la ville. Voilà ce qu’il dit du jour où il quitta Brest: [ ce journal est remarquablement illustré, mais comporte de nombreuses inventions, disons poétiques]
Sur chaque bateau l’espace était limité. Celui-ci était partagé par 350 soldats, 12 officers de marine, 10 officiers de l’armée avec leur domestiques et environ 45 hommes d’équipage.
[Attention : il s’agit là d’un navire de transport (la Comtesse de Noailles), qui n’a évidemment pas 12 officiers de marine pour 45 marins. Ce petit calcul a été fait a posteriori par un écrivain pas très rigoureux, à partir du journal de Closen, et non de Flohr. Il y avait en fait 19 officiers de Royal Deux Ponts sur ce bateau, dont dix dormaient dans une chambre, selon Closen et donc probablement 9 dans une autre et s’il y avait 22 officiers « à la table », ceci ne laisse que 3 officiers de marine.] Les hommes dormaient dans des hamacs que Flohr qualifie de « pas très confortable ». Comme chaque hamac était alloué à deux hommes « la majorité devait toujours dormir sur le sol. » [normalement, ils auraient dû dormir tour à tour …] Flohr conclut : « Qui veut se coucher confortablement ferait mieux de rester chez lui. »
Même les officiers devaient partager une cabine à dix. Aux repas, 22 personnes se serraient dans une pièce de 5 mètres de long, 4 mètres de large et deux mètres de haut. Les odeurs des « hommes autant que des chiens », sans oublier les vaches, les moutons, les poulets, « la promiscuité permanente » faisaient que l’existence des officiers de l’armée « sur ces coquilles de noix était profondément détestée de tous ceux qui n’étaient pas des marins professionnels. »
Le 15 avril enfin la pointe de l’île de Samana qui faisait partie des possessions françaises de St. Domingue (Haiti) fut en vue
[cette affirmation de J-J. Antier est très sujette à caution, on se demande où il a trouvé cela : d’après le journal du major de l’armée de Grasse et plusieurs autres journaux, de Grasse est allé directement vers la Martinique sans faire le grand détour par Saint-Domingue, où il se serait évidemment séparé de la majeure partie de son convoi, or il n’y a aucun débarquement de troupe avant juillet à St-Domingue ; il semble que, au contraire, faisant rempart de ses vaisseaux, il ait fait se faufiler le convoi entier entre eux et la côte pour entrer à Fort Royal, laissant ainsi sa flotte plus libre de manœuvrer contre Hood] et de Grasse envoya un bateau au gouverneur général de Bouillé à Fort Royal, à la Martinique, pour lui annoncer l’arrivée de la flotte.
7- Arrivée aux Antilles
De Grasse détacha une partie de son convoi vers Saint-Domingue
[ il aurait dû pour cela faire escorter le convoi par des vaisseaux ou des frégates, or il les a tous gardés avec lui pour dégager Fort Royal de la Martinique] et la Guadeloupe et continua vers le sud avec le reste de ses navires comprenant 21 vaisseaux de ligne, à destination de la Martinique. Stiegel et les autres recrues qui devaient renforcer l’armée coloniale pourtant déjà puissante, étaient probablement entassés dans les cales comme des sardines, luttant contre les maladies inévitables d’une traversée transatlantique et se demandant ce qu’était la vie dans les îles tropicales qu’ils approchaient……………………….
10- Rassemblement de l’armée navale à Saint-Domingue
Le 5 juillet 1781, la flotte française quitta Fort Royal avec 24 vaisseaux de ligne et 160 navires marchands.
[n’était-ce pas pour une grande part ceux qui étaient arrivés de Brest, dont une partie avaient débarqué la part des renforts destinés à la Martinique et à la Guadeloupe ?] Ces derniers traverseraient l’Atlantique aussitôt que l’opportunité se présenterait. La flotte passa au large de Porto Rico et fut bientôt en vue de Saint-Domingue, première colonie française des Antilles. Le 16 juillet,
la flotte arriva au Cap Français où elle retrouva l’escadre du marquis de Monteil.
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Enfin, les instructions de Versailles commandaient à de Grasse d’assurer le retour sain et sauf de la flotte marchande (le gouvernement français était en effet au bord de la faillite) et conformément au traité franco-espagnol, d’aider les espagnols à se saisir de la Jamaïque. De Grasse reçut également confirmation que la France n’enverrait pas de troupes supplémentaires en Amérique mais uniquement une somme de 6 millions de francs. [Il s’agit là d’une information qu’il avait depuis son départ de Brest, car elle avait été portée à Rochambeau avec les espèces par son fils parti de Brest sur la Concorde avec Barras] Une mention secrète stipulait qu’au cas où les forces américaines seraient détruites, de Grasse devait permettre à l’armée de Rochambeau de se retirer vers les Antilles.
Ainsi vers mai-juin 1781, la situation en Amérique paraissait enlisée en dépit de la capture de Pensacola par des troupes franco-espagnoles sur le front secondaire de l’ouest de la Floride. De fait, les ambitions du gouvernement français étaient à ce moment pour le moins modestes. En dépit des réserves de Versailles, de Grasse se souvenait de la demande expresse du roi et du secrétaire d’état d’une victoire décisive sur les anglais, lorsqu’ils l’avaient mis à la tête de l’armée navale. Ainsi de Grasse décida que les marchants et la Jamaïque pourraient attendre. Il irait d’abord en Amérique. L’amiral français savait que cette décision pouvait lui valoir une promotion en cas de succès mais aussi le conseil de guerre en cas de défaite.
[tout concourt à prouver que cette opération était conforme à ses instructions, ce qui ne retire rien à ses mérites quant à la façon de l’accomplir] Pourtant de Grasse était résolu à se rendre en Amérique pour infliger à l’Angleterre cette fameuse défaite décisive sur terre et sur mer.
12- Planification d’une offensive de grande ampleur en Amérique
……………………. De Grasse était quant à lui plus favorable à une intervention dans la baie de Chesapeake, autour de la forteresse de Yorktown où il fallait attirer Cornwallis. Cette place était réputée imprenable
[est-ce bien sûr ? il s’agissait d’un petit port sans autre fortification qu’un ravin au nord et la mer à l’est ; les terrassements de Cornwallis la renforcèrent] mais si la flotte pouvait fermer la baie assez longtemps pour que les armées alliées puissent assiéger la forteresse, la victoire serait à portée de canon. ………………………….
De Grasse exposa son plan au gouverneur de Saint-Domingue, M. de Lilliancourt, qui l’approuva et lui promis des troupes qui ajoutées au contingent qu’il avait apporté de France constitueraient l’armée de renfort dont Rochambeau avait besoin. Cette armée serait commandée par le Marquis de Saint Simon, [ancien] colonel du régiment de Touraine [et commandant supérieur des troupes] à Saint Domingue.
……………………………… L’état major anglais se rendit bien compte de mouvements de troupes vers le sud mais il ne suspectait pas la venue de de Grasse et confiant en son contrôle des mers, il ordonna à Cornwallis de se réfugier dans la forteresse [un point d’embarquement plus qu’une forteresse] de Yorktown, manœuvre qui répondait exactement aux attentes des alliés.
[La chronologie est un peu différente : il savait semble-t-il la possibilité de l’arrivée de la flotte, mais prévoyait de ramener Cornwallis à NY si tel s’avérait être l’objectif des alliés]
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13- Une deuxième armée française pour l’Amérique
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L’armée de Saint-Simon
………………………... Ces unités furent renforcées par différents détachements d’autres régiments incluant le contingent de l’armée navale levée par de Grasse (ces détachements étaient issus entre autre des régiments de Brissac, Barrois, Béarn et Royal Marine).
[Brissac ne venait pas de France : il semble qu’il s’agissait d’une compagnie de volontaires commandée par un certain Brisac, citoyen de St Domingue] D’autre part, l’armée de Saint-Simon fut dotée d’un peu d’artillerie et d’une petite cavalerie (légion de Lauzun et hussards de Saint Simon).
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14- Jean Stiegel affecté au régiment de Touraine.
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Ce fut dans ce contexte que Jean Stiegel fut affecté au régiment de Touraine, qui à cette époque était stationné à Saint-Domingue. Sa compagnie était celle du capitaine Despenan. Les registres du régiment de Touraine, nous donne les informations suivantes sur Jean Stiegel :
Compagnie Despenan:
Jean SCHLIGET fils de Jean et de feüe Marie Anne EQUEFALTINE, dit Plaideur né à Kersfeld, juridiction de Binfeld, généralité de Strasbourg, en 1762. Taille de 5 pieds 3 pouces ; cheveux, sourcils blonds, les yeux gris, nez petit, bouche grande, menton rond, visage long. Date d’enrôlement : le 8 février 1778 dans le régiment de Beauce.
Il n’est pas indifférent de noter que Destenan, capitaine en second des chasseurs en 81 et 82, en était devenu le capitaine en premier, d’après les états militaires de 1784, ce qui porte à penser que Stiegel avait été recruté dans la compagnie de chasseurs, ce qui devrait être assez facile à vérifier.
Cette compagnie avait été transportée aux Antilles, comme le reste du régiment (66 officiers et 1170 hommes) ,embarqué le 12 janvier à Brest sur l’armée navale de Guichen : ils étaient répartis entre 8 vaisseaux (dont la Couronne, 3 frégates et deux transports du commerce.
…………………………. Il est aussi possible qu’il rejoignit ce régiment dès le mois de mai, lorsque de Grasse détacha à son arrivée aux Antilles une partie de sa flotte vers Saint-Domingue. [ce détachement est à vérifier, comme dit plus haut. Mais les archives sont formelles les 69 hommes restant de Beauce sur les 80 partis de Brest n’ont été débarqués à St Domingue que le 18 juillet.] En tout cas, Stiegel faisait partie du régiment lorsque celui-ci quitta Saint-Domingue début août.
[D’Espenan ou Despenan n’est pas compté dans le dictionnaire du colonel Bodinier parmi les officiers ayant mis les pieds sur le territoire américain. Donc, à Yorktown, la compagnie devait être commandée par un autre officier.
15- Le régiment de Touraine
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Le marquis de Saint-Simon, [ancien] colonel du régiment [et commandant supérieur des troupes de St Domingue], fut choisi pour commander toute l’armée et le commandement du régiment de Touraine fut confié à Henri-François Léonard, vicomte de Pondeux [orthographe défectueuse d’origine anglo-saxonne : il s’agit du vicomte de Poudenx ; de plus sa nomination comme colonel du régiment, remplaçant Saint-Simon est du 12 avril 1780 et non de 81]. Touraine comptait alors dans ses rangs d’autres officiers qui deviendraient célèbres.
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Le comte de Ménonville fut aussi l’auteur du seul manuscrit connu détaillant les opérations du siège de Yorktown, dont nous reparlerons par la suite. Il finirait la guerre avec le grade de Maréchal de camp. [attention : votre traducteur en anglais en fait un maréchal de France, au lieu d’un « major-general » ! En outre, sa rédaction ne permet pas de comprendre facilement les rôles respectifs des deux frères, (il pense probablement que Thibault est un prénom alors que c’est le patronyme de la famille)]
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16- Derniers Préparatifs
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Pour conserver la manœuvrabilité et la vitesse de sa flotte, de Grasse décida d’embarquer les hommes sur les vaisseaux de guerre au lieu des lourd navires de transport. Ce choix risquait de gêner les mouvements des équipages mais c’était le prix à payer pour une action rapide. Quant aux vaisseaux marchands, ils resteraient au Cap et attendraient son retour. Il est possible que le vaisseau de guerre choisi pour transporter la compagnie Despenan fut le navire « La Bourgogne », puisque c’est ce bateau qui transporta Jean Stiegel à son retour d’Amérique. Ce navire faisait partie de l’escadre de Bougainville et était commandé par le comte de Charitte. Il avait été construit en 1766, avait un équipage de 439 hommes et était armé de 74 canons, ce qui était le modèle courant dans le flotte. [En effet, à l’aller vers la Chesapeake, la Bourgogne était chargée de 147 (dont 9 officiers) des 850 hommes de Touraine. Le reste du régiment était réparti sur six autres vaisseaux.]
Liste des officiers de Touraine transportés par La Bourgogne entre St Dom et la Chesapeake Aller-retour (on voit que Destrenan/d’Estrenan lui-même n’y est pas) :
de Thorenc cne du Rt de Touraine
de St Félix cne ne 2nd
mis du Chatelet id à la suite
de Tessier s-lt
de Grammont id
vte de Poudenx colonel cdt
de Desbordes cne
ch de Marcy s-lt
Deux autres officiers n’ont fait que le retour sur ce vaisseau :
de Brunchet lt en 1er de Touraine
de Machiel
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Des fonds pour l’armée d’Amérique
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Il s’adressa aux créditeurs de Saint-Domingue mais ceux-ci refusèrent. Il fut ensuite présenté à un gentilhomme espagnol qui venait d’arriver au Cap et qui pensait qu’une telle somme pouvait être levée auprès des créditeurs de Cuba. Quelques jours plus tard, les négociations avec la Havane aboutirent et de Grasse envoya une frégate à Cuba pour transporter les fonds. [les généreux donateurs étaient les commerçants, ravis de favoriser l’ouverture de ports du continent à leur commerce, brisant ainsi le monopole de Madrid]
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18- Saint-Simon rejoint La Fayette
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Pendant ce temps, au sud, Saint-Simon continuait à débarquer troupes et matériel. Ainsi en ces jours de fin d’été 1781, Jean Stiegel fusilier du roi de France foula pour la première fois la terre d’Amérique en compagnie de ses camarades du régiments de Touraine et des officiers parmi lesquels Despenan [probablement pas], Ménonville, Mirabeau [-tonneau], Pondeux [Poudenx] et Saint-Simon [n’appartient plus à ce régiment depuis plus d’un an]. Le 4 septembre, toute l’armée de Saint-Simon était réunie
[encore en cours de débarquement quand de Grasse doit partir à la rencontre de Graves, ce qui immobilise la plupart des chaloupes, 1800 hommes d’équipage et 90 officiers] sur l’île de James. En attendant l’arrivée de Rochambeau et Washington, Saint-Simon rejoignit l’armée de La Fayette et se mit sous son commandement. En Virginie, cela faisait plus de deux mois que La Fayette jouait au chat et à la souris avec Cornwallis. Depuis que le général anglais avait rejoint Arnold le 19 mai, celui-ci disposait d’une force de 5000 hommes et La Fayette avec seulement 1000 soldats et 2000 miliciens avait été forcé de se retirer, attirant Cornwallis vers l’intérieur des terres, loin de ses bases. A la mi-juin, Cornwallis commença à s’inquiéter sur sa position avancée et décida de se retirer vers Richmond. La Fayette quant à lui avait été renforcé par les miliciens de Wayne et von Steuben
[présenté à Deane et Franklin par Saint-Germain, et expédié en Amérique aux frais de la France, Steuben a cessé, jusqu’à sa mort de s’appeler « von » Steuben. Il se faisait appeler le barion « de » Steuben, jusque dans son testament. Les allemands en ont fait un héros du reich à partir du milieu du XIXe et ont progressivement obtenu de lui faire redonner son nom allemand, mais il est aussi anachronique de l’appeler Von Steuben pendant la guerre d’Amérique que d’appeler par son nom de baptême Marylin Monroe] et à présent il donnait la chasse à son ennemi. Cornwallis continua sa retraite vers l’est et le 26 juin il était à Williamsburg. Le 6 juillet un engagement eut lieu entre les deux armées mais sans conséquence. Malgré tout, Cornwallis continua sa retraite vers Yorktown qui était muni [est-ce bien sûr ?] de puissantes fortifications………………………..
19- Opérations navales
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Le 9 septembre, la flotte anglaise devant faire face à d’important dégâts, abandonna le combat et s’en alla pour de bon. De Grasse retourna alors dans la Chesapeake. Cette victoire permettait d’isoler complètement l’armée anglaise dans Yorktown. A son arrivée dans la Chesapeake le 11 septembre, de Grasse eut la bonne surprise d’y trouver la petite flotte de l’amiral de Barras qui était arrivé la veille de Newport après avoir échappé avec succès au blocus vigilant de Rodney. [ ?? Rodney était rentré en Angleterre en juillet, venant des Antilles. Il n’y avait plus de blocus à Newport. Quant à barras, il évita tout rique de rencontrer la flotte de Graves en marchant d’abord à l’est, puis vers le sud et mit cap à l’ouest seulement au sud de la latitude de la baie de Chesapeake] Il amenait à l’armée son équipement et ses canons de siège. Pour protéger la position des alliés, de Grasse établit un blocus à l’entrée de la baie. Le 13 septembre, la flotte de Graves revint dans les parages mais n’essaya pas de déloger les français. Cornwallis ne pouvait plus compter que sur lui-même pour échapper au siège.
20- Le rassemblement allié de Williamsburg
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. Le 17 septembre, l’armée de Rochambeau qui progressait par voie de terre arriva à Annapolis où elle se joignit aux forces américaines qui avaient embarqué à Head of Elk [ainsi que les grenadiers et les chasseurs de l’armée française] et étaient arrivées à Annapolis quatre jours plus tôt.
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21- La bataille de Yorktown
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Le dernier acte
Le 9 octobre à trois heures, la batterie de la position de Touraine ouvrit le feu sur la redoute en étoile, forçant le navire Guadeloupe à traverser la rivière vers Gloucester. D’après Ménonville cette opération causa un mort et un blessé.
Les premiers canons américains ouvrirent le feu deux heures plus tard à partir de la batterie située à coté de la rivière. Le lendemain la batterie française principale, à gauche de la tranchée et la seconde batterie américaine ouvrirent le feu à leur tour. Dans la nuit du 10 octobre, le navire anglais Charon et deux transports de troupes furent incendiés et coulés par le bombardement de Touraine [ou de l’artillerie d’Auxonne commandée par d’Aboville ?]. Au matin, 52 canons alliés tonnaient et Cornwallis écrivit à Clinton que les pertes anglaises s’élevaient à 70 hommes. De ce bombardement intensif Flohr écrit « nous pouvions voir depuis notre redoute, les hommes voler dans les airs avec leur bras ouverts. Il y avait des souffrances et des lamentations horribles… Les maisons se tenaient là comme des lanternes pulvérisées par des boulets de canon. »
Dans la nuit du 11 octobre, les divisions de von du baron de Steuben et du baron de Vioménil débutèrent une seconde tranchée au sud, à environ 300 mètres de Yorktown.
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Pour Flohr qui participa à cet assaut [ceci est plus qu’improbable. Flohr se vante et raconte. Il faisait partie d’une compagnie de fusilliers, jusqu’à sa libération en 1784, et non des grenadiers ou des chasseurs qui firent cet assaut, donc ne pouvait pas y participer, comme le montrent bien ses descriptions incompatibles avec celles de tous les témoins oculaires ou avec la liste des morts] « les opérations se déroulèrent vraiment sans merci cette nuit là… L’un criait ici, l’autre là, que par la grâce de Dieu il fut achevé complètement. La redoute était si remplie de morts et de blessés qu’on devait leur marcher dessus. »
…………. Beaucoup pleuraient. Un colonel anglais cassa son épée en deux avant de la jeter par terre et de s’en aller le visage dans ses mains. Au même moment, de l’autre côté de la rivière à Gloucester, les troupes de Tarleton se rendirent au duc [simple bourgeois, Claude Gabriel de Choisy ne portait aucun titre nobiliaire] de Choisy.
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[s’il était mort, même en mer quelques jours plus tôt, Stiegel aurait été compté comme mort « aux Etats-Unis » par ceux qui ont fait, dans les années trente, ce recensement reproduit sur le monument !]
22- De retour aux Antilles
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A la surprise de de Grasse, Graves n’attaqua pas. La bataille avait déjà été perdue pour les Anglais et à ce moment Graves ne pouvait guère espérer plus qu’infliger une défaite [éventuelle ? pourquoi défaite ?] symbolique à la flotte française. De Grasse accéléra l’embarquement des troupes, et commanda aux équipages de se tenir prêt pour la bataille………………………………
EPILOGUE
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Au delà de la prouesse militaire de cette campagne, Yorktown viendrait à symboliser bien plus. Ce fut la dernière bataille de la guerre sur le sol Américain, et après cette défaite écrasante, les anglais avait perdu la volonté de poursuivre la lutte pour garder leur colonies d’Amérique. La paix entre l’Angleterre et les alliés fut finalement scellée par le traité de Paris signé le 3 septembre 1783. De plus, Yorktown confirma sur le terrain et dans le sang, le traité d’alliance entre la France et l’Amérique mis en forme sur papier trois années [coquille sur le texte anglais, qui écrit deux ans] auparavant. En dépit de la forte contribution de la France en hommes, navires, armes, matériel et argent pour la guerre de l’indépendance américaine, celle-ci n’obtint à l’issu du traité de paix que peu de chose pour elle-même, si ce n’est peut-être la reconnaissance de l’Amérique.
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En 1783, Washington créa l’ordre des Cincinnati, les fils de la révolution américaine où siègent les héritiers aînés des officiers qui combattirent durant la guerre d’indépendance. Cet ordre reçut aussi un chapitre français. De la volonté de Washington, uniquement les héritiers des officiers seraient acceptés dans ce cercle fermé, montrant ainsi que pour Washington aussi, la « racaille », la masse anonyme des soldats du rang étaient de peu d’importance et assurément indigne de la reconnaissance de la postérité.
[Il s’agissait prioritairement de tenter de maintenir la solidarité entre treize ex-collonies qui redevenaient rivales, de faire acte de solidarité avec les exploitants qui avaient tout perdu et de maintenir les principes énoncés dans la déclaration d’indépendance. Il n’était pas anormal d’en faire une association de solidarité entre officiers. Quant aux Français, c’était encore plus limité, aux officiers très supérieurs comme effectivement un geste de reconnaissance vis à vis de la France.]
A travers Jean Stiegel, cet article est dédié à la masse des soldats américains et français qui combattirent et donnèrent leur vie pour un pays qu’ils aimaient et pour une gloire qui ne leur survécut pas un instant. Qu’ils reposent en paix. [Et que ceux de leurs descendants directs qui se souviennent d’eux rejoignent là où ils vivent les chapitres et sociétés d’État des Fils ou des Filles de la Révolution Américaine : 27.00 Sons et 150.000 Daughters, dont respectivement 430 et 130 en France]