Diligence



La vie aventureuse du capitaine Barthel de Hohatzenheim


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PREMIERE PARTIE


L'EPOPEE REPUBLICAINE



                                                                                                                                                                                                    

1.       Une enfance difficile   


Laurent Barthel est né le 26 mars 1760 à Hohatzenheim, petit village du Kochersberg connu pour son église de pélérinage dédiée à la vierge douloureuse. A cette époque le village compte 19 familles catholiques et 4 familles protestantes. Le village se compose alors de quelques fermes importantes, d’autres plus petites et enfin plusieurs familles sans terre qui vivent de petits métiers. La famille Barthel est de celles-ci, comptant donc parmi les plus modestes du village. Le père de Laurent, qui se prénomme également Laurent ou plus exactement Laurent-Ignace, est natif du village voisin de Mittelschaeffolsheim où il est né en 1720.[1] Il arrive à Hohatzenheim en  1742,[2] à l’occasion de son mariage avec Catherine Diebolt, fille de Jacob Diebold, un cordonnier du village. Ce mariage eut lieu dans des conditions tragiques et devait être l’événement annonciateur de la malédiction qui devait s’abattre sur cette famille.

 

En effet au début de cette année 1742, Catherine Diebold perdit en même temps son père et sa mère peut-être victimes d’une épidémie car la famille perdit également 2 de ses enfants ne laissant que la jeune Catherine, âgée alors de 15 ans et sa soeur aînée Anna-Maria, mariée à un journalier du village.[3] Anna-Maria, probablement assez pauvre, ne semble pas disposée à s’occuper de sa jeune soeur et il est donc décidé de la marier en hâte. Mais qui peut s’intéresser à une gamine de 15ans ? Le seul avantage de Catherine est sa dot, car le fait que chacun des parents eut un inventaire après décès devant notaire prouve que la famille avait quelques biens, a commencer par la maison familiale avec probablement une échoppe de cordonnier.[4]

 

En quelques semaines[5] un postulant lui fut trouvé, peut-être par son tuteur Jacob Hanss et le maire de Hohatzenheim Georg Freund, car tous les deux furent témoins au mariage. Il s’agit de Laurent Barthel, un garçon de 22 ans sans fortune, fils d’un tonnelier de Mittelshaeffolsheim. Le garçon accepte car probablement la dote est attrayante. Son frère aîné travaille déjà avec son père et lui pourra donc prendre l’échoppe de cordonnier de son beau père défunt. Tout est arrangé rapidement et le 21 mai 1742, les deux sont mariés à la paroisse catholique de Rumersheim dont dépend Mittelschaeffolsheim.

 

Le couple débute donc ainsi, bon an mal an, Catherine se demandant probablement souvent quel tour le destin lui avait joué en lui flanquant si rapidement un mari pas vraiment désiré et probablement peu aimé. Deux ans plus tard, comme pour confirmer cette malédiction, l’alsace est envahie par une bande de mercenaires autrichiens, la seule invasion de ce type depuis le début du siècle. Il sont commandé par le colonel autrichien Trenck qui loge au château voisin de Mittelhausen alors que la troupe campe malheureusement à moins d’un kilomètre entre Wingersheim et Mittelhausen. Ces bandits, effrayés par l’armée royale s’enfuiront rapidement mais pas avant d’avoir causé plusieurs dégâts à Hohatzenheim ce qui n’était pas arrivé depuis la guerre de 30 ans. Néanmoins le couple tient bon et après quelques années Catherine met au monde au moins quatre enfants : Jacob (né avant 1750), Sophie (née dans les années 50), Pierre (né vers 1758) et enfin Laurent (né le 3 mars 1760).[6]

 

En grandissant parmi les gosses du village, le petit Laurent eu sans doute une enfance maussade. D’abord il devait se sentir moins avantagé que ses camarades dont la famille avait une ferme, et un revenu plus stable que la sienne. Ensuite ses parents ne s’entendaient pas bien comme nous allons le voir. Leur mariage arrangé n’a probablement  jamais été harmonieux et leurs enfants en souffraient sans doute. En janvier 1769, Laurent a presque neuf ans lorsque son frère aîné se marie à Hohatzenheim avec Barbara Rohr. Jacob, est cordonnier comme son père et en bonne voie pour prendre la succession paternelle. Jacob et sa femme s’installent donc à Hohatzenheim. Ce mariage envenima-t-il les relations familiales ? Difficile à dire, toujours est-il que quelques mois après ce mariage, le 21 juin 1769, Catherine Diebolt et Laurent Barthel père, passent devant le notaire qui prononce leur séparation de biens. Sous l’ancien régime, cette mesure était toujours prise à l’initiative de l’épouse qui souhaitait ainsi protéger sa dot, ou ce qu’il en restait d’un mari dépensier. Cette mésentente dut être difficile à accepter pour les enfants, surtout pour Laurent alors si jeune. Il est possible que le couple vivra ensemble encore quelques années mais finalement Catherine Diebolt quittera le village car son décès n’est pas enregistré à Hohatzenheim.

 

Entre 1770 et 1773 Jabob, le fils aîné aura trois enfants dont un périra en bas âge. Finalement son mariage ne fut pas plus heureux que celui de ses parents puisqu’en 1774, à peine 5 ans après son mariage, sa femme Barbara Rohr demande à son tour la séparation de biens. Jacob, était-il comme son père un dépensier extravagant ? Quelqu’en soit la raison, Barbara meurt 3 mois après cette séparation laissant deux enfants à charge de son mari. Par la suite, comme sa mère, Jacob finira par quitter le village puisqu’il n’y décédera pas. Ces deux mariages ratés convainquirent les deux fils restants, Pierre et Laurent que le mariage était une mauvaise affaire et les deux fils Barthel finiront leur vie vieux garçons.[7] Par contre Sophie, la fille Barthel se marie en 1779 avec un jeune homme de Bilwisheim ou elle ira s’installer.

 

 

2.  Soldat du Roi

 

Lorsque la guerre éclate en 1778, entre la France et l’Angleterre, le jeune Laurent Barthel a 18 ans, il est apprenti et son futur semble peu prometteur. Professionnellement, ses espoirs sont maigres. Les querelles familiales lui laissent envisager peu de fortune à hériter et de toute façon il a deux frères aînés qui espèrent déjà vivre de l’échoppe familiale et un jour ou l’autre il lui faudra chercher fortune ailleurs. Sur le plan affectionnel, sa situation n’est pas plus brillante. Sa famille est détruite et doublement déshonorée. Les séparations en effet sont chose assez rares en ce temps. Décidément son futur n’est plus dans ce village et il faudra saisir la première occasion pour s’en aller.

 

Cette occasion arriva vers la fin de l’année 1781. Depuis quelques temps déjà on était sans nouvelle de l’armée française envoyée en Amérique au secours des insurgés qui combattaient l’anglais, l’ennemi de toujours. Aux environ de Noël 1781, une nouvelle extraordinaire se répend dans le royaume de France. L’armée anglaise encerclée dans Yorktown en Virginie a capitulé devant les forces franco-américaines de Rochambeau et Washington. Du jour au lendemain le prestige de la France mit à mal durant la guerre de sept ans se trouva restaurée, et partout dans le royaume des jeunes gens voulurent se mettre au service des armes victorieuses de la liberté américaine. Laurent Barthel se laissa convaincre probablement assez facilement par un sergent recruteur que son futur était de servir sous la bannière du roi et le 5 janvier 1782 il fut intégré au régiment d’artillerie de la Fère, un régiment créé 4 ans plus tôt par la réunion de 2 bataillons, ceux de Saint-Dizier et de Chalons. Les registres de ce régiment nous apprennent que Barthel fut enrôlé dans la compagnie de sapeurs du capitaine Durand. Il avait une taille de 5 pieds 5 pouces 3 lignes, les cheveux et sourcils chatains, les yeux roux, le nez aquilin, la bouche petite, le menton long, et le visage long et uni. Cette description devait servir à la maréchaussée pour le retrouver en cas de désertion. Comme les jeunes recrues recevaient en général une meilleure prime d’engagement, les engagés se rajeunissaient souvent à l’enrôlement. Barthel ne dérogea pas à la règle en déclarant être né en 1762.

 

Dans ce régiment, Laurent va trouver des compagnons d’armes comme lui, c’est à dire de milieu modeste, qui ont quitté un environnement où ils étaient parmi les plus exposés aux difficultés de la vie. Un tiers des effectifs sont d’origine urbaine alors que la population urbaine de l’époque ne dépasse pas 15% de la population totale. Ce fait est du a l’attachement très fort qu’avaient les gens de la campagne pour leur milieu et il était donc plus difficile de les en arracher. C’est pour cela que les sergents recruteurs prospectaient davantage en ville ou les gens vivaient de manière plus isolée. Les jeunes qui s’engageaient pour le service militaire était souvent ceux qui comme Laurent estimaient qu’il avaient perdu la protection ou  même l’estime de leur groupe social, protection qu’ils espéraient retrouver dans leur nouveau régiment.

 

Géographiquement, les recrues de l’armée viennent principalement des régions les plus pauvres de France ainsi que des régions frontalières comme le Nord, la Lorraine et l’Alsace, ce qui n’est pas étonnant étant donné le nombre de garnisons situées dans ces régions. Dans certains régiments comme Alsace et LaMarck, les Alsaciens représentaient même la grande majorité des recrues.

 

Dans son nouveau régiment, Laurent est donc d’abord sapeur, c'est-à-dire en charge de préparer le terrain et l’infrastructure pour l’artillerie mais rapidement il deviendra canonnier. En tant que tel, sa tâche principale est alors le maniement du fameux canon Gribeauval qui fit merveille durant la campagne d’Amérique et qui va bientôt s’illustrer sur tous les champs de bataille d’Europe. Peu de temps après son incorporation, le régiment est envoyé sur la côte atlantique, à La Rochelle ou il fait partie de l’armée des Côtes de Bretagne sous les ordres des généraux de Tournay et d’Uturbie. Là, il attendra une affectation éventuelle dans l’une des colonies ou l’on se bat contre l’anglais. Bientôt il est ordonné au régiment de fournir 4 compagnies pour les garnisons des Antilles, basées principalement à la Martinique et à Saint-Domingue. La compagnie de Barthel n’est pas du nombre et le jeune alsacien poursuit donc la vie morne de garnison. Aurait-il voulu partir ? C’est peu probable car si les soldats étaient souvent enthousiastes pour partir en Amérique du Nord, ils l’étaient moins à l’idée d’aller aux Antilles où beaucoup de leurs camarades mouraient de maladies tropicales, de malnutrition et de conditions climatiques difficiles (chaleur et humidité).

 

En 1783, la paix est enfin signée avec l’Angleterre qui accepte l’indépendance des Etats-Unis. En apparence, la France est dans le camp des vainqueurs mais en pratique le roi a gagné bien peu au prix de dépenses astronomiques. Mais qu’importe, l’honneur n’a pas de prix et l’affront de la guerre de sept ans est enfin lavé. Pour Laurent Barthel, la victoire était venue sans gloire. Il n’a participé à aucun combat de cette guerre et maintenant que la paix est revenue le régiment se prépare à une période tranquille ponctuée de déplacement dans l’hexagone au gré des affectations qu’il plait à l’autorité royale d’imposer.

 

Barthel va donc suivre son régiment à travers la France de garnison en garnison à travers la France. En 1785, le régiment est à Valence toujours sous la direction du Vicomte d’Uturbie. Cette année-là le régiment reçoit un jeune officier promu au grade de sous-lieutenant de la compagnie de bombardiers. Il est brillant et sa forte personnalité doublé d’un charme indéniable le transforme rapidement en coqueluche des salons de cette ville de province. Ce jeune inconnu est corse et s’appelle Napoléon Bonaparte. Bien sûr en tant qu’humble canonnier, le fils de cordonnier Barthel ne fréquente pas les officiers, surtout quand ils sont en plus aristocrate. Néanmoins, au fil des affectations la figure de Bonaparte ne a du au moins être familière au jeune alsacien. On n’oserait parier sur la réciproque quoique le futur empereur des français avait une mémoire prodigieuse. Barthel et Bonaparte partagent ainsi la vie du régiment de la Fère à Valence, à Lyon (1786), à Douai (1787) et à Auxonne (1788) avant que le jeune officier ne quitte définitivement cette unité.

 

 

3- Révolution : La patrie en danger

 

Sous le régime des rois Barthel n’avait aucun avenir. Comme des générations de soldats du rang avant lui il aurait probablement fini infirme ou éclopé, abandonné de tous, sans pension et sans bien à ressasser les souvenirs de grandeur militaire. La révolution allait changer son destin, comme pour des milliers d’autres soldats issus du rang. Cette « racaille » allait bientôt faire trembler le monde. Le 14 juillet 1789, les parisiens en colère prennent la bastille et sans s’en rendre compte, libèrent un peuple enchaîné dans le carcan de la royauté depuis 13 siècles. Le 1er janvier 1791, l’armée royale est réorganisée en armée républicaine. Les régiments perdent leur nom traditionnel pour prendre un numéro. Le régiment d’artillerie de la Fère devient le 1er régiment d’artillerie à pied (RAP). Pourtant ce changement de nomenclature n’a peu d’effet sur la composition des troupes. Le roi règne encore et commande à un corps d’officiers aristocratiques eux-mêmes à la tête de la troupe roturière. Pourtant pour Barthel cette première phase de réorganisation aura du bon. En effet, le premier avril de la même année voit une série de promotions dans tous les régiments. Pierre Abel de Sappel est promu au rang de colonel du 1er RAP et le même jour Laurent Barthel devient fourrier (à peu près équivalent à un caporal sous l’ancien régime). Pourtant la rupture est proche. Le 21 juin, le roi s’enfuit de son palais mais il est rattrapé à Varennes puis ramené aux Tuilleries. Désormais, quoiqu’ officiellement toujours roi de France, dans les faits le souverain est prisonnier de la république. Chaque officier français est alors prié de signer un nouveau serment d’allégeance qui ne mentionne plus le roi. Commence alors une vague d’émigration qui verra peu à peu se déliter la grande partie du corps des officiers de l’ancien régime. Bien sûr les premiers bénéficiaires furent les sous-officiers dont les plus expérimenté furent appelés rapidement pour combler le vide. La nouvelle armée de la république était certes inexpérimentée et désorganisée mais en contre partie elle gagnait une vitalité nouvelle puisque la capacité seule était dorénavant gage de promotion et non plus une bonne naissance.

 

Barthel pourtant ne fut pas promu en cette année 1791. Son expérience militaire il est vrai était limitée à neuf années de garnison. Beaucoup de ses collègues sous-officiers avaient participé à plusieurs campagnes sur tous les continent. Les plus anciens avaient 30 ans de service. Il faudra une guerre pour que le soldat alsacien de 31ans gagne de l’avancement. En cette fin d’année 1791 la situation  politique se détériore encore. Les royaumes étrangers appuyés par les émigré royalistes menacent d’intervenir. Bientôt républicains et aristocrates poussent à la guerre contre l’étranger. Les deux camps comptent sur le prestige militaire pour rétablir la situation à son avantage. Le 14 décembre, Louis XVI divise les forces françaises en quatre armées. L’armée du nord commandée par Rochambeau, l’armée du centre commandée par Lafayette, celle de l’est commandée par Luckner et celle du midi commandée par Montesquiou. Barthel se retrouve envoyé à l’armée du nord sous les ordres du prestigieux vainqueur de Yorktown. Le 18 et 21 mars la France lance deux ultimatums à l’Autriche qui ne répond pas et le 20 avril la république déclare la guerre à l’Autriche. Cinq jour plus tard à Strasbourg, le maire de Dietrich donne une soirée à laquelle participent plusieurs officiers dont un certain capitaine Rouget de Lisle. La ville est en pleine effervescence du fait de la déclaration de guerre et à la fin du repas le maire demande à Rouget de "composer un chant hardi qui puisse encourager nos soldats à marcher sur la frontière". Enthousiasmé, ce dernier s’exécute et au cours de la nuit, compose d'une traite le chant qu’il appelle d’abord « Hymne de Guerre Dédié au Maréchal de Luckner » puis « Chant de Guerre pour l'Armée du Rhin .» En juin, le chant sera entonné à Paris par un bataillon de la garde nationale venue de Marseille qui donnera son nom définitif à la Marseillaise.

 

Cependant le 28 avril, l’armée française passe à l’offensive contre l’armée autrichienne stationnée en Belgique. Le plan étudié par l’état major français prévoie une attaque de diversion par Rochambeau sur Mons et Tournai pendant que La Fayette lancera la véritable offensive sur Namur puis sur Liège par la vallée de la Meuse. Le lendemain 29 avril 1792, la cavalerie de l’armée du nord restée en grande partie sous le contrôle des aristocrates approche de Mons quand deux régiments de dragons se débandent brusquement aux cris de "Trahison ! Sauve qui peut !" et entraînèrent toute la colonne dans leur fuite. Au même moment les troupes partent en déroute de la même façon prés de Tournai. A cette nouvelle, Lafayette suspend immédiatement l’offensive. Toute l’armée française est paralysée. Triste début pour l’aventure militaire du fourrier alsacien Barthel ! Pourtant dans la confusion qui suit cette débacle Barthel est promu sergent le lendemain 1er mai.

 

Après cette opération manquée, l’armée française était plus que jamais en crise. La suspicion et le ressentiment régnait entre  ce qui restait d’officiers aristocrates et la troupe. De Sappel resta à son poste mais à la tête de l’armée la valse des généraux en chefs était engagée. En mai Rochambeau démissionna du commandement de l’armée du nord. Il fut alors remplacé par Luckner, lui-même remplacé par Lamortière à l’armée du Rhin. Ce fut d’abord Luckner. Puis en juillet Luckner passa à l’armée du Centre et Lafayette à l’armée du nord. Dix jours plus tard c’est au tour de Lamortière de sauter et d’être remplacé par Biron à la tête de l’armée du Rhin. Finalement le 10 août 1792 les sans-culottes investissent les Tuileries. C’est le coup de grâce de la monarchie française. La famille royale est internée au temple. A la tête de l’armée du nord Lafayette est outré. Il tente d’abord d’engager son armée à marcher sur Paris mais essuyant un échec, il décide de se rendre aux autrichiens. Dummouriez le ministre de la guerre, décide alors de conduire lui-même l’armée du Nord. Quand à l’armée du centre Luckner est jugée incompétent et est remplacé par l’alsacien Kellerman. Enfin des républicains à la tête de l’armée républicaine.

 

Alors que l’armée française tergiversait, l’Autriche avait reçu le concours de la Prusse. L’objectif des alliés était de prendre Paris et avec l’aide des émigrés de restaurer la puissance du roi de France. Le duc de Brunswick comptait bien profiter des hésitations de ses ennemis. Il a passa la frontière avec ses prussiens et les émigrés français le 19 août et s’engouffrent sur le bassin de la Meuse. Ils prennent Longwy le 23 août et Verdun le 2 septembre. La route de Paris est ouverte ! Dumouriez est alors à Sedan, Kellerman à Metz. Les deux généraux se lancent immédiatement à la poursuite des Prussiens qui sont finalement rejoints près de Valmy. Le 20 septembre les Prussiens donnent l’assaut mais ils sont repoussés par l’artillerie française. Brunswick décide alors de se replier vers le Rhin. La république est sauvée !

 

Placé avec sa compagnie d’artillerie à l’aile droite de l’armée du nord, Barthel aurait du logiquement participé à la bataille de Valmy mais ses états de service n’en font pas mention. En fait il se trouve qu’à cette époque il était affecté « au parc de siège et artillerie de position » de l’armée, c'est-à-dire aux canons les plus lourds nécessitant un système de transport important de même que de l’infanterie pour le protéger. Ces canons se déplaçaient donc rarement et il n’est donc pas surprenant qu’ils n’ont pas participé à la poursuite de Brunswick jusqu’à Valmy. La patrie était donc sauvée mais pour Barthel, encore une fois comme du temps de la guerre d’Amérique, la gloire avait soigneusement évité de croiser le chemin de l’artilleur alsacien.

 

 

4- L’épopée Républicaine

 

Le 1er octobre 1792, la convention décide de créer des armées supplémentaires en scindant les armées existantes. Ainsi L’aile droite de l’armée du nord à laquelle appartenait Barthel devient l’armée des Ardennes. Cette dernière comme l’armée du Nord reste sous commandement de Dumouriez. Celui-ci, enhardi par son succès de Valmy, était rentré à Paris où il intriguait pour obtenir l’autorisation de la convention de poursuivre la guerre au-delà des frontières, en Belgique.

 

Dumouriez obtient gain de cause et le 28 octobre l’armée française quitte Valencienne en direction de Mons ou est stationnée l’armée autrichienne sous les ordres du général allemand Saxe-Teschen. Parallèlement, sur la droite du dispositif français le général Valence à la tête des 18,000 hommes de l’Armée des Ardennes à la mission de prendre Namur pour couper la route aux renforts autrichiens. Le 6 novembre Dumouriez affronte les autrichiens en avant de Mons à Jemappes et les défait au prix d’un combat coûteux. Quand  à Valence il met le siège devant Namur. On fait venir l’artillerie de siège et Barthel, après dix ans de carrière participe enfin à son premier combat. Tout au long du mois de novembre le siège bat son plein et le 24 du mois Barthel est nommé sergent major, la dernière marche avant d’être officier. Pendant ce temps Dumouriez était entré à Mons le 11 novembre, le 15 il prenait Bruxelles et le 28 Liège. Namur tombe finalement le 2 décembre. En ce début de décembre les armées françaises occupent toute la Belgique jusqu’à Aix-la-chappelle et le 13 décembre la convention ordonne à Dumouriez de prendre ses quartiers d’hivers.

 

En 1793, la guerre reprend de plus belle. L’exécution de Louis XVI le 21 janvier, ainsi que la politique acharnée de l’Angleterre contribuent à soulever la plupart des souverains Européens contre la France. Au printemps 1793, la République compte au rang de ses ennemis l’Angleterre, la Prusse, l’Autriche, les princes allemands, la Russie, la Sardaigne, la Hollande,  l’Espagne, Naples et le Portugal. La France est menacée sur toutes ses frontières et la convention répond à ce danger par « une levée en masse » de 300.000 hommes. Dumouriez reprend l’offensive dès février et tente d’envahir la Hollande mais il est débordé sur ses arrières et doit revenir en Belgique. En mars il affronte les alliés à Neerwinden où il est contraint à la retraite. L’armée française est forcée d’abandonner la Belgique. Quant à Dumouriez, après avoir tenté en vain de soulever l’armée à son profit, il passe à l’ennemi. L’armée du Nord en retraite n’a plus de chef. Ainsi commence la retraire générale des armées de la République.

 

Barthel suit la retraite générale avec l’artillerie lourde de l’armée des Ardennes qui se replie sur Carignan, à la frontière belge, juste au sud de Charleville-Mézières. Les coalisés contre-attaquent et après avoir pris Condé et Valenciennes il menacent Cambrai et Dunkerque. Sur les autres fronts, les alliés reconquirent le palatinat et se dirigent vers l’Alsace. Au sud les espagnols passent la frontière à l’ouest et les Italiens à l’est. Enfin Toulon se livre à la flotte anglaise et la Vendée se soulève. La République est assaillie sur tous les fronts.

 

La convention répond à cette crise grave de deux façons. D’abord l’armée va être réorganisée par l’intermédiaire de Carnot nommé membre du comité de salut public attaché aux affaires militaires. Il va réorganiser les armées de la république en 14 armées réparties sur toutes les frontières. La levée en masse des tous les jeunes français de 18 à 25 ans décrétée par la convention fournira les hommes nécessaires à cet efforts. Le deuxième volet de la réaction républicaine vise l’intérieur, la société française ou tout le monde peut être soupçonné de complot contre la République. C’est le temps de la terreur. Des commissaires arpentent les villes et les campagnes à la poursuite des « royalistes » et contre-révolutionnaires. Les églises sont fermées et le culte est interdit. L’Alsace pays de Laurent Barthel n’est pas épargnée. C’est le temps d’Euloges Schneider qui à partir de Septembre 1793 répend la terreur dans toute la région. En octobre les coalisés entrent en Alsace. Ils prennent Haguenau le 29 octobre et Fort Vauban, en avant de Strasbourg le 9 novembre. Beaucoup d’Alsaciens en profitent alors pour fuir la terreur et passer à l’étranger. Pour le gouvernement révolutionnaire ils sont déclarés « émigrés » c'est-à-dire traîtres à la patrie. Durant cette période à Hohatzenheim village natal de Barthel 12 personnes sur 199 habitants[8] sont déclarée émigrés. La propre famille de Barthel n’est pas épargnée. Son propre frère Pierre est du nombre. La famille de sa marraine Barbara Blaise est aussi touchée. Son mari Laurent Diebold est sur la liste ainsi que Michel Fohr, Georges Freund, Daniel Diebold et Nicolas Blaise (le maire ou son fils) qui sont aussi en relation avec cette famille. Les autres émigrés sont Antoine Bied, Antoine Hans, Laurent Hanns, Nicolas Henner, Nicolas Schmitt et Pierre Weyer.[9] Dès Novembre Pichegru, à la tête de l’armée des Vosges contre-attaque et repousse les autrichiens sur la Zorn puis sur la Moder. Le Kochersberg est dégagé et Scheider peut reprendre sa triste besogne. Il arrive à Wingersheim le 27 novembre 1793 et prend des renseignements sur l’ancien maire de Hohatzenheim, Nicolas Blaise.  Or, ce jour-là une messe interdite était justement célébrée à Hohatzenheim. Le prêtre put s’échapper mais Nicolas Blaise fut arrêté jugé à Strasbourg. Les motifs d’accusation furent les suivants :

- Faire partie des « aristocrates » de Hohatzenheim.

- Lorsque les Autrichiens firent abattre l’Arbre de la Paix à Hohatzenheim il s’est écrié : « la voilà, la fierté des patriotes ! »

- Dans la maison du Maire Lobstein il a bu à la santé des Autrichiens et a dit « a présent, nous sommes à nouveau maîtres ; il faudrait maintenant pendre tous les patriotes et les laisser crever ».

- De sa maison à Hohatzenheim il s’est écrié : « pendez tous ces patriotes ».

- Il s’est rendu à Brumath, ville occupée par l’ennemi où il a passé la nuit.

- Il a suivi l’ennemi après sa retraite le 22 novembre 1793 et s’est rendu à Haguenau où son fils s’était retiré avec son épouse et ses enfants, pour leur apporter du pain et de l’argent.

 

Nicolas Blaise fut déclaré traître à la patrie et condamné à mort. Il fut exécuté à Hohatzenheim le 6 janvier 1794. Schneider ne put assister à l’exécution car il fut lui-même arrêté en décembre 1793, conduit à Paris où il fut lui aussi jugé et exécuté. Durant ces tristes évènements Laurent Barthel était en pleine campagne dans les Ardennes. Il est peu probable qu’il fut mis au courant des méfaits de cette républiques pour laquelle il combattait. C’est aussi à cette époque vers 1794 que mourut sa mère Catherine Diebold. Elle n’habitait plus Hohatzenheim.

 

Pendant ce temps dans les Ardennes, comme sur tous les fronts, l’armée Française est repassée à l’offensive. L’objectif sur ce front était le déblocage de la place de Maubeuge assiégée par Cobourg depuis le 23 Septembre. A la tête des armées du Nord et des Ardennes, Jourdan attaquent les alliés à Wattignies. L’artillerie Lourde dont fait partie Barthel est sous les ordres du général Maisonneuve. Celle-ci pilonne copieusement les autrichiens qui se replient finalement sur Mons. Maubeuge est débloquée et une partie de la frontière nord de la France est rétablie. L’armée des Ardennes fut envoyée à Philippeville et Sedan pour prendre ses quartier d’hiver. Les hostilités reprennent au printemps. L’objectif de l’armée des Ardennes est cette fois Charleroi et la Belgique. Celle-ci butte durant tout le moi de mai contre les défenses autrichiennes sur la Sambre mais le 12 juin Jourdan prenait enfin pied sur l'autre rive de la Sambre et assiégeait Charleroi. Le 16 juin le Prince d'Orange contre-attaque et parvient à repousser les Français une nouvelle fois sur l'autre rive de la Sambre. Le 18 juin les Français repassent la rivière et rétablissent le siège devant Charleroi. Le siège fut vigoureusement mené et l'artillerie de siège si efficace que sept jours plus tard la garnison autrichienne se rendait. Le sergent-major Barthel avait participé à ce siège au sein du parc d’artillerie de siège de la division Lefebvre. Quelques jours plus tard, le 26 juin il est présent à la bataille de Fleurus brillamment remportée par Jourdan. Ce fut le dernier succès de l’armée des Ardennes puisque le 29 juin est créée l’armée de Sambre-et-Meuse, constituée de l’armée des Ardennes, de l’aile droite de l’armée du Nord et de l’aile gauche de l’armée de la Moselle. C’est avec cette dernière que Jourdan va s’élancer à la conquête de Bruxelles. Barthel participe à pluiseurs affaires près du Affaire près du château de Marunon et devant Mons qui tombe le 1er juillet. Le 11 juillet, Jourdan entre dans la capitale belge et après une période de temporisation pour débloquer les derniers bastions ennemis en France il poursuit son offensive ver le Rhin. Le 2 octobre il remporte la bataille d'Aldenhoven qui lui valut la rive gauche du Rhin et deux jours plus tard il entrait dans Cologne. L’armée de Sambre et Meuse termine cette campagne victorieuse et entre ainsi dans la légende de l’épopée républicaine.

 

L’année 1795, fut marquée par de nouvelles victoires de la république. En avril 1795 la Prusse signe la paix. Pichegru en profite et en mai il conquiert la Hollande qui devient la République Batave. La coalition anti-française s’effrite. Seuls l’Angleterre et l’Autriche sont déterminés à poursuivre la lutte. Le 5 et 6 septembre 1795, Jourdan à la tête de l’armée Sambre et Meuse décide de passer le Rhin à Dusseldorf et d’entrer en Allemagne. Ce n’était pas arrivé à l’armée française depuis la guerre de sept ans ! Jourdan remonte le Rhin en direction de Mayence. Barthel participe à l’expédition avec l’artillerie lourde. A hauteur de Coblence, celle-ci  met le siège devant Ehrenbreitstein, forteresse réputée imprenable située sur la rive droite du Rhin, juste en face de Coblence, ville de la rive gauche. La forteresse juchée sur un rocher à l’embouchure de la Moselle fut bombardée en vain par les français en 1688. Ces derniers parvinrent toutefois à l’occuper pendant la guerre de sept ans de 1759 à 1762. Alors que le blocus s’organise, Jourdan continue à remonter le Rhin vers Mayence mais Pichegru refuse de le soutenir et entre en pourparlers avec le prince de Condé. De ce fait Jourdan, sans appui, est forcé de se replier sur la rive gauche du Rhin. Le Blocus d’Ehrenbreitstein est levé mais ce n’est que partie remise.

 

L’année suivante est importante pour Barthel. En effet, le 4 Ventôse de l’An IV c'est-à-dire le 23 Février 1796, l’événement qu’attend impatiemment tout sous-officier arrive enfin : Barthel est nommé lieutenant en second. Il fait désormais partie du corps des officiers de la révolution. Belle récompense pour ce fils de cordonnier. Il est vrai que cette promotion s’était faite attendre. Beaucoup de ses camarades avaient été promus durant la vague d’émigration de 1791-93 qui avait privé l’armée française de ses meilleurs officiers.

 

Ainsi lorsque la campagne de 1796 commence et que Jourdan repasse le Rhin le 29 juin à Neuwied (à une quinzaine de kilomètre en aval de Coblence), c’est comme officier que Barthel entre en Allemagne. Ses états de services indiquent qu’à nouveau il prend part au « blocus d’ Ehrenbreitstein et à plusieurs affaires à la tête du pont de Neuwied et devant Kreuzenach. Et campagne d’hiver.» (Bad Kreuznach à 80km en amont de Coblence) Le début des opérations se déroula bien. Mayence était bloqué par Marceau pendant que Jourdan progressait dans le Main, descendait la vallée de la Raab et s'emparait de Amberg avançant jusqu'à Ratisbonne à quelques jours de Vienne. Moreau de son coté à la tête de l’armée Rhin-et-Moselle franchissait le Rhin à Kehl et parvenait à détacher de la coalition les princes de Bade, du Wurtemberg et de Saxe. Les succès sur le Rhin allaient cependant être rapidement stoppés par l'archiduc Charles. Il battait Bernadotte le 16 août à Neumarkt contraignait les Français de Jourdan à se replier sur Bamberg puis sur Wurtzburg et finalement à revenir sur le Rhin. Moreau, découvert était contraint de reculer ce qu'il fit par une superbe retraite.

 

L’année suivante, Hoche remplace Jourdan malade à la tête de l’armée Sambre-et-Meuse. Il réorganise cette armée qui doit se lancer une fois de plus à la conquête de l’Allemagne. Barthel passe de l’artillerie de siège à l’artillerie de position. Pour lui et la plupart de ses compagnons, c’est donc la troisième fois qu’il s’apprête à passer le fleuve si convoité. A la tête de l’armée d’Italie, Bonaparte passe le premier à l’attaque et lance son armée vers l’Autriche à travers les Alpes. Le général français attend l’appui de l’armée Sambre et Meuse pour se lancer à l’assaut de Vienne. Mais celui-ci se fait attendre. On dit le directoire jaloux des succès du général le plus populaire de la république et Hoche a ordre de camper sur ses positions. En désespoir de cause, sans soutien, Bonaparte accepte la suspension d’armes le 13 avril et l’armistice de Leoben est signée le 18 avril. Il ne se doute pas alors, que Hoche a finalement reçu l’ordre de passer à l’attaque ! Ce dernier passe le Rhin et remporte une très belle victoire à Neuwied ce même 18 avril où il fait 7,000 prisonniers et saisit plusieurs drapeaux. Pour la troisième fois le siège est mis devant Ehrenbreitstein, toujours sans succès. Les états de services de Barthel ne font pas mention de ce troisième siège mais par contre ils mentionnent la bataille de Neuwied à laquelle il participa. L’annonce de l’armistice met fin à l’élan victorieux de l’armée Sambre et Meuse. Hoche décèdera quelques mois plus tard dans des conditions mystérieuses.

 

L’armistice signée avec l’Autriche met fin à la première coalition dont la France sort grand vainqueur. Ses annexions en Belgique et en Italie sont reconnues et on  pouvait donc s’attendre à une paix durable, enfin après six ans de guerre où nos armes durent affronter toute l’Europe ! Pourtant dès 1798, l’armée est une nouvelle fois de plus sur le pied de guerre. Le directoire pousse en effet les cantons suisses à la rébellion contre leur confédération. En janvier Bâle se libère et en février s’est au tour de Lausanne de créer une « république lémanique ». Berne tente de Mater la révolte mais le général Brune intervient à la tête de l’armée d’Helvétie. Il est secondé par le Général Schauenburg qui s’empare de Berne le 15 mars. Les cantons sont réorganisés en république dès avril. Ceux d’entre eux qui sont récalcitrants sont mis au pas par l’armée. Barthel participe à cette campagne avec la 4e division sous le commandement du général Taviel. Après le départ de Brune à la fin mars pour l’armée d’Italie, Schauenburg héritera du commandement de l’armée d’Helvétie jusqu’en décembre. Il semble qu’à partir de cette campagne, Barthel ne soit plus attaché au parc d’artillerie lourde et qu’il suit dorénavant les mouvements de sa division avec l’artillerie de campagne. Pendant que Brune « pacifie » la Suisse, le directoire envoie son meilleur général, Napoléon Bonaparte, aller conquérir l’Egypte.

 

Ainsi à L’été 1798, la république suisse rejoint les républiques « sœurs », que sont, la république batave (Hollande) et la république cisalpine (Italie), toutes trois sous la protection de la république française. Ce nouveau succès pourtant sera éphémère car déjà, dès l’été 1798, l’Angleterre, perfide Albion, plus que jamais ennemi héréditaire de la France, parvient à lever une seconde coalition contre la république en agitant l’épouvantail de la « contagion républicaine ». Celle coalition comprend l’Autriche encore, la Suède, Naples, l’empire Ottoman et en décembre la Russie et le Portugal. Dès la mi-octobre des bataillons Autrichiens contre-attaquèrent dans les Grisons, à la demande des milieux aristocrates. La suisse pourtant semble être d’abord un théâtre d’opération secondaire car durant l’hiver les armées ce concentrèrent surtout en Allemagne et en Italie.

 

Lorsque commence l’année 1799, Masséna a succédé à Schauenburg à la tête de l’armée d’Helvétie et Lamartillière a remplacé Taviel à la tête de la 4e division. Sous la conduite de Masséna, l’armée reprend l’offensive et en mars elle conquiert les Grisons jusqu’au St-Gothard, refoulant les faible forces autrichiennes qui s’y trouvaient. Mais bientôt les succès que connurent les alliés en Allemagne et en Italie encouragèrent une contre-attaque en Suisse. En mai, les Généraux autrichiens Hotze et Bellegarde pénétrèrent dans les Grisons par Saint-Gall à l’est et cherchèrent à faire leur jonction avec l’archiduc Charles qui arrivait d’Allemagne. Cette concentration forçait les Français à se replier sur Zurich. Durant ce repli, Barthel et la 4e division participèrent à plusieurs affaires, notamment à Monstein[10], à Frauenfeld le 25 mai (50km au nordest de Zurich), et à Winterthur (30km au nordest de Zurich.) Finalement Masséna positionna son armée autour de Zurich et y attendit l’armée ennemie. Le général français était en infériorité numérique avec seulement 30,000 hommes contre 45,000 autrichiens. Du 4 au 7 Juin Sur un front de plus de dix kilomètres de long, Masséna et Charles s'affrontèrent. Les pertes sont très élevées des deux côtés et Masséna décide finalement de se retirer. Il laisse ainsi Charles prendre Zurich. Sous la pression du directoire Masséna se relance à l’assaut de Zurich le 14 août mais est de nouveau repoussé. En fait le général français ne devra sa revanche qu’à la stratégie farfelue et totalement contre-productive des alliés. En effet les russes de Souvarov avaient rejeté les français hors d’Italie mais au lieu de laisser le général russe poursuivre sur sa lancée, les stratèges alliés lui ordonnent de passer en Suisse pour défaire Masséna. L’archiduc Charles est alors sommé de remonter vers le nord pour renforcer le front hollandais où les alliés combattent le général Brune. Il doit laisser sa place à l’armée de Korsakov forte de 45,000 hommes qui a ordre d’occuper Zurich jusqu'à l’arrivée de Souvarov.

 

Malheureusement pour les alliés, Korsakov n’arrive à Zurich qu’avec 28,000 hommes et Souvarov aura besoin de temps pour passer les cols alpins. Une  occasion unique s’ouvre à Messéna qu’il ne laissera pas échapper. Le général français arrive aux abords de Zurich le 24 septembre avec 4 divisions comptant 35,000 hommes. Entre les deux armées se trouve la rivière Limath, derrière laquelle les russes se sont retranchés. Le 25, à 5 heures du matin, les généraux Foy et Gazan, de la division Lorge traversent par surprise la Limatt et s'emparent de Closter-Fahr, à moins d'une dizaine de kilomètres de Zurich. La division Durasov, trop éparpillée sur le cours de la Limatt, ne peut réagir efficacement alors que les trois autres divisions françaises manoeuvrent pour enfermer Korsakov et la division Gortshakov dans Zurich. Le lendemain, le 26 Septembre, Masséna encercle parfaitement Korsakov.  Les Russes se rangent en bataille devant la ville et se défendent furieusement. Se sentant perdu, Korsakov se met à la tête de son infanterie, range sa cavalerie et son artillerie à sa suite et parvient à se frayer un chemin d'évasion par la route de Winterthur (nord de Zurich). Une partie de sa colonne est cependant refoulée dans Zurich où règne un désordre indescriptible. Le bénéfice de la journée est fabuleux pour Masséna : tous les bagages russes, 100 canons et 5 000 prisonniers, en plus des 8 000 autres Russes hors de combats ! Korsakov ne s'est échappé vers le Rhin qu'avec la moitié de son armée (12 000 hommes). En apprenant la nouvelle le 28 Septembre Suvorov sait désormais que la partie est perdue et qu'il aura lui-même bien du mal à quitter la Suisse indemne. Lors d'un conseil de guerre le 29 Septembre, Suvarov prenant l'avis de Bagration, du Prince Constantine et du général autrichien Auffenberg, décide de la retraite par la route de l'est vers Glarus, pour quitter la Suisse. La situation de Suvarov est désormais précaire. Avec moins de 20 000 hommes, à cours de provisions, de munitions et dépourvu d'artillerie, le Feld Maréchal russe doit essayer de passer au travers des mailles du filet tendu par Masséna qui a maintenant réuni 60 000 hommes.

 

Le premier combat a lieu à Mutuoatal, où pendant deux jours les hommes de la division russe Rosenberg vont tenter de se faire jour au travers des positions de la division Lecourbe renforcée d'éléments envoyés par Masséna (division Mortier). Malgré la supériorité de leur artillerie, les Français doivent abandonner le terrain en laissant 1 000 tués et blessés et autant de prisonniers. Puis, la retraite, terrible de difficultés, se poursuit par Glarus, où il retrouve quelques milliers d'Autrichiens. Sur des chemins terribles, l'armée de Suvarov parvient à poursuivre son chemin pour quitter la Suisse malgré le harcèlement des Français qui tentent toujours de l'encercler. L'armée Russe parvient finalement à rejoindre le territoire autrichien  par Vaduz (Liechenstein) puis Feldkirch le 13 Octobre. Finalement à Lindau le 20 Octobre, l'arrivée du corps autrichien de Colloredo tirera définitivement d'affaire le général russe. Suvarov a peu ainsi sauver 18,000 hommes mais Pour les français pourtant, l’essentiel est acquis. Ils ont chassé les russes de Suisse, se sont débarrassé d’un brillant général ennemi sur le front Italien et grâce au retard de l’archiduc Charles, Brune a pu venir à bout des alliés en Hollande. Comme pour parachever le succès de Masséna, quelques mois plus tard le tsar Paul Ier décide de quitter la coalition anti-française. Une fois de plus la république est sauvée ! Barthel participa à la totalité de cette brillante campagne de Suisse comme l’atteste ses états de services. Ceux-ci cite les affaires de « Zurich contre les autrichiens et contre les russes, le passage de Limath et la campagne d’hiver. »

 

Alors que se termine la campagne de Suisse, en France un coup d’état intervient. Napoléon Bonaparte qui était revenu en hâte d’Egypte est mis à la tête d’une conjuration contre le directoire. Ce dernier offre peu de résistance et Bonaparte est rapidement nommé premier consul. Pour la première fois, le pouvoir est entre les mains d’un général. Lorsque Bonaparte prend les rênes du pouvoir la France a un ennemi principal : l’Autriche. En effet, le corps anglais débarqué en Hollande a rembarqué et les russes ont quitté la coalition. Ainsi c’est d’abord avec les autrichiens que le 1er consul veut traiter. Mais ceux-ci demeurent inflexible. Aussi il décide la reprise de l’offensive. Il scinde ses troupes en deux armées. La première sous ses ordres, tantera de reconquérir l’Italie. La seconde qu’il confie à Moreau reprendra l’offensive en Bavière, avec comme but ultime une convergence sur Vienne.

 


Au mois d’avril, Moreau a réunit une armée de 100.000 hommes sur la rive gauche du Rhin. En face de lui, de l’autre côté du Rhin, le général Kray commande une armée de force équivalente. Les états de Service de Barthel indiquent que le lieutenant alsacien appartient à la 3e division de l’armée du Rhin commandée par Moreau. Toujours d’après ces états, ses officiers supérieurs sont Eblé et Lemaire. Le général Moreau commença prudemment par faire débarquer quelques-unes de ses unités sur la rive droite du Rhin. Comme Kray, n’osa pas intervenir Moreau put faire passer toute son armée. Les états de Barthel font mention du passage du Rhin mais sans en donner la date. Aussitôt passé, Moreau se porte sur son adversaire. Le 3 mai, il remporta une victoire difficile à Engen sur le l’armée principale de Kray alors que la division Lecourbe écrasait le corps detaché de Vaudémont. Les autrichiens se replièrent mais Moreau qui voulait remporter une victoire totale les colaient de près. Il rejoignit Kray deux jours après Engen à Moeskirch. Le lieutenant Barthel qui était toujours avec l’artillerie de la 3e division se semble pas avoir participé aux premiers succès mais il était présent à Moeskirch. Les deux armées s’y affrontèrent avec acharnement jusqu’à à la fin de la journée  lorsque l’aile droite conduite par la division Lecourbe parvint à s’emparer du plateau de Moeskirch forçant les autrichiens à la retraite. Ils passèrent sur la rive droite du Danube, abandonnant toute la rive droite Rhin aux français. Les pertes avaient été lourdes des deux côtés ; chacune des deux armées y laissait 6.000 hommes.

 

Pourtant Kray ne voulait pas s’avouer battu. Il repassa sur la rive gauche du Danube et tenta une contre-attaque contre Moreau. Celle-ci échoua largement et le général français remportât cinq nouvelles victoires dans les combats de Biberach le 9 mai, de Menningen le 10 mai, d’Erbach le 16 mai, de Delmensingen le 20 mai et de Kelmuntz le 5 juin. Cette fois Kray avait repassé le Danube pour de bon et Moreau pouvait lui aussi envisager de passer le grand fleuve. Après Moeskirch, l’unité de Barthel ne fut engagée que dans le combat de Menningen ; le reste du temps fut passée à pousser les canons à la poursuite des Autrichiens. En ce mois de juin 1800, lui qui durant les dernières années avait si souvent passé le Rhin, savourait comme les autres soldats de l’armée française la joie d’avoir atteint la rive du grand fleuve qui s’écoulait jusqu’à Vienne.

 

La plupart des ponts du Danube avaient été incendiés mais c’était ceux de Blindheim et de Gremheim qui avaient le moins souffert. Après les avoir fait reconnaître, le général Moreau les désigna pour effectuer le débarquement des troupes Française sur la rive droite du Danube. Le 16 juin, le général Lecourbe arriva sur le Danube. Il envoya d’abord des nageurs de combat éliminer les postes autrichiens sur la rive droite. Puis, l’officier d’état-major Quesnot élevât une nacelle pour faciliter la reconstruction d’un pont sur le Danube. Malgré le feu de plusieurs batteries Autrichienne qui tirèrent presque à bout portant, la construction du pont se fit avec succès. Les premières unités françaises purent alors passer sur la rive droite où ils furent attaqués par les autrichiens. Ces attaques furent repoussées et Lecourbe put faire passer la cavalerie Française. Le feu de l’artillerie Autrichienne qui continuait brisa bientôt le pont de Blindheim et les pontonniers Français durent s’exposer au feu de l’ennemi pour le reconstruire.

 

Cependant, un bataillon Autrichien s’élança, sur le point en question. Cela, afin d’empêcher les Français de reconstruire le pont. Dès lors, le général Lecourbe demandât à un des bataillons Français, qui se trouvait posté sur la rive droite du Danube, de contre-attaquer les Autrichiens. Pendant ce temps, les Français combattant sur la rive droite résistaient vaillamment aux assauts ennemis. Les deux ponts étant finalement rétablis, la brigade Française du général Laval s’élança et poursuivit les Autrichiens sur la route de Donawerth. Lecourbe, lui, poursuivit les troupes Autrichiennes du général Starray  rassemblées autour du poste d’Hochstedt. A l’approche des Français, Starray se retira sur le poste de Dillingen où il avait laissé trois bataillons. Il y fut poursuivi et attaqué par les Français. Dès lors, un combat opiniâtre s’engagea autour du poste de Dillingen. Le centre de l’armée Française, qui se trouvait sous le commandement direct du général Moreau, parvint à rétablir le pont coupé de Dillingen ce qui permit au gros de l’armée Française de s’emparer enfin, du poste de Dillingen. Culbutés à Dillingen et menacés par Lecourbe qui débouchait du côté du poste d’Altheim, les Autrichiens se retirèrent, bientôt, en colonnes serrées par l’intermédiaire des plaines de Lauingen. Dans cette retraite, l’ennemi abandonna 1800 prisonniers. Le 20 juin au matin, par l’intermédiaire du pont de Gunzbourg, le gros de l’armée Française du général Moreau achevât son débarquement sur la rive droite du Danube. Le passage du Danube et la victoire d’Hochstadt valut, aux Français, 4000 prisonniers, vingt pièces de canon et quatre drapeaux Autrichien. Les pertes Française se montèrent à 1500 soldats hors de combat seulement. Durant ces heures mémorables, Barthel avait été au cœur des combats du passage du Danube et de la bataille de Dillingen.

 

 

Après ces cuisants revers, l’Autriche demanda un armistice, d’autant que le 14 juin elle avait aussi été battue en Italie à la bataille de Marengo par Bonaparte. Moreau occupa donc la Bavière durant cet intermède qui dura plusieurs mois. Les hostilités reprirent en décembre. Kray avait été remplacé par l’archiduc Jean. Le 3 décembre, Moreau rencontra une nouvelle fois les autrichiens à Hohenlinden. Barthel était aussi présent à cette grande bataille. Après des combats acharnés, la victoire française fut totale. Au prix de 2500 blessés et tués, les français capturèrent 100 pièces d’artillerie et firent 11 000 prisonniers Autrichiens, dont 280 officiers. D’autre part, plus de 6000 Autrichiens étaient mort ou blessés sur le champ de bataille.  A l’issue de la bataille, Moreau s’écria : “Vous avez conquis la paix; oui, c’est la paix que nous venons de conclure aux champs d’Hohenlinden !” En effet après cette victoire, la route de Vienne lui était ouverte. Les Français passèrent l’Inn et se lancèrent à la poursuite des autrichiens. Il y eut plusieurs combats tout au long du mois de décembre jusqu’à ce que Moreau parvienne à quelques journées de Vienne. Alors, en désespoir de cause, pour sauver sa capitale, l’empereur François accepta de signer la paix. La guerre était finie. Barthel a participé activement à ces dernières semaines de campagne comme l’atteste ses état : « bataille de Dillingen, de Neubourg, et de Hohenlinden. Passade de l’Inn, plusieurs affaires après, bataille de Woelsch près Salsbourg, où il a eu son cheval tué sous lui, plusieurs affaires à Lambach, et campagne d’hiver. » Ainsi à Woelsch, si près de cette victoire totale si longtemps recherchée, Barthel fut bien près d’être touché. Lors du dernier combat de Lambach le 19 décembre, l’armée approchait de Linz. La route de Vienne était ouverte. Pourtant l’armée française n’ira pas plus loin. En effet les belligérants sont fatigués et le temps de la paix est venu.

 

Le traité de Lunéville entre la France et l’Autriche sera signé le 9 février 1801. Le 10 octobre 1801, Alexandre Ier de Russie, successeur de son père Paul Ier conclut une convention de paix secrète avec Bonaparte. Enfin le 25 mars 1802, est signée à Amiens la paix entre la France et l’Angleterre. Après dix de guerre c’est la France entière qui se réjouit de la paix enfin retrouvée. L’armée du Rhin peut regagner le pays la tête haute. C’est en grande partie grâce à elle que ce résultat fut obtenu. Après dix ans de guerre, la république est dorénavant reconnue par toutes les royautés d’Europe. L’épopée républicaine est achevée.

 

image: bataille de Fleurus - 1794

[1] Registres paroissiaux catholiques de Rumersheim.

[2] Registres paroissiaux catholiques de Rumersheim.

[3] Les registres paroissiaux de Hohatzenheim ont été presque tous détruits et la plupart des dates viennent des actes notariés ou par déductions indirectes. Ainsi il n’est pas possible de trouver la date de décès des frères et soeurs de CD mais en 1733, Jacob Diebold le père de CD avait 4 enfants et à son décès il n’en a plus que deux. En février à l’inventaire de sa mère CD a 14 ans et demi, en avril à celui de son père elle a 15 ans.

[4] Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de consulter les inventaires en question, mais uniquement un résumé des termes généraux sur la base internet www.geneactes.org

[5] L’inventaire de la mère de CD, Maria Winling eut lieu le 15 février 1742, celui de son père le 26 avril et son mariage fut célébré le 21 mai.

[6] Dates déduites des dates de mariages ou age au décès. La date de naissance de Laurent est connue grâce à son dossier militaire.

[7] L’acte de décès de Pierre indique qu’il était célibataire mais pour Laurent je n’ai pas trouvé son acte de décès et je n’ai aucune certitude sur son éventuel mariage. Toujours est-il qu’en 1830 il vivait chez ...

[8] Resencement de 1792

[9] Cette liste ne semble contenir que des chefs de famille mais il est probable que ces hommes s’enfuirent avec leur famille.

[10] Je n’ai pas réussi à identifier ce combat. Comme il est indiqué directement à la suite de la bataille de Neuwied, il est possible que ce combat faisait partie de la campagne précédente en Allemagne.