Histoire du vaisseau du Roi « La Bourgogne »

1761-1783



Dans les dernières années de la guerre de sept ans, le gouvernement fit appel à toutes les bonnes volontés pour participer à l’effort financier nécessaire pour renforcer la marine du pays, durement éprouvée. Aussi en 1761. les élus des Etats de Bourgogne, à l’instigation du prince de Condé, gouverneur de cette province, décidèrent d’offrir au roi un vaisseau de 80 canons. Il fut fait pour cela un emprunt de 700.000 livres. Le vaisseau devait être primitivement de 74 canons (délibération du 26 novembre 1761). Par délibération du lendemain, le nombre de canons fut porté à 80. Le don fut accepté par Lettre du Roi, de Versailles, en date du 1er décembre 1761. Le vaisseau fut ordonné et nommé le 16 janvier 1762, en même temps que Le Languedoc, Le Marseillais, Le Citoyen et Le Saint Esprit. Il fut mis en chantier à Toulon le 31 janvier 1762 par ordre du roi. Le duc de Choiseul demanda aux élus sur quelle somme il pouvait compter pour parer aux premières dépenses. Le 14 mars 1762 les fonds étaient remis à M. de Georville, Trésorier Général de la Marine.

Le vaisseau fut finalement à 74 canons pour un équipage de 750 hommes. Sa construction dura de 1762 à 1766. Il fut lancé le 26 juin 1766, soit trois après la fin de la guerre de sept ans. (Ce retard était dû à l’arrivage tardif des bois qu’il fallut laisser reposer pour ne pas être employés saignants).

La Bourgogne fut mise en activité au port de Toulon de 1766 à 1772. En 1773, il fait partie de la division de Marseille. De 1774 à 1777 il est toujours en poste à Toulon avec un radoub en 1775. En 1778 il est refondu et entièrement réparé à Toulon. En 1779, la Bourgogne est à Toulon et à Marseille. En février de cette même année, entièrement reformé, il remplace Le Hardi qui lui avait besoin de réparations. Le 4 mai, La Bourgogne et La Victoire se rendant de Toulon à Brest, chassèrent à leur sortie du détroit de Gibraltar, les frégates anglaises de 32 canons Montréal et Thétis qu’ils parvinrent à atteindre. La Bourgogne attaqua la première et la Victoire combattit l’autre. La Bourgogne fait alors partie de la division de Fabry. Elle réduit assez facilement la frégate Montréal mais la Thétis, plus heureuse, parvint à rentrer à Gibraltar.

Du 3 juin au 14 septembre 1779, La Bourgogne fait partie de l’armée franco-espagnole de d’Orvilliers qui fait croisière dans l’Atlantique et la Manche pendant trois mois dans le but de débusquer la flotte anglaise et de préparer un débarquement de l’armée royale sur l’île. La Bourgogne est alors sous les ordre du commandant Marin. En 1780, La Bourgogne fait partie de l’escadre de Brest où elle reste jusqu’en 1781. En mars 1781, La Bourgogne fait partie de l’escadre du comte de Grasse qui assure la protection d’un convoi marchand en partance pour l’Amérique. Le vaisseau est alors sous le commandement du chevalier de Charitte. Le 22 mars 1781, alors que le convoi quitte Brest, La Bourgogne fait partie de l’escadre bleue de M. d’Espinouze qui assure l’arrière garde de la flotte.

Le 22 avril 1781 lors de l’arrivée aux Antilles, La Bourgogne participe au combat devant Fort Royal de la Martinique qui résulte en la fuite de la flotte anglaise et la libération de l’île du blocus ennemi. En mai 1781, La Bourgogne prend part à la prise de Tobago par de Grasse. A la suite de cette opération, l’ensemble de la flotte gagne le Cap Français à Saint-Domingue. Après avoir embarqué l’armée de Saint-Simon, la flotte appareille de Saint-Domingue à destination de l’Amérique le 4 août. La Bourgogne ayant manqué le vent, elle n’appareille que le 6 août et rejoint la flotte le lendemain. Le 30 août, la flotte arrive devant la Baie de Chesapeake et le 5 septembre l’armée navale de de Grasse met en fuite la flotte anglaise. Cette victoire navale conduit à la prise de Yorktown par les armée alliées le 19 octobre.

La flotte est de retour aux Antilles le 25 novembre 1781. Le 11 janvier 1782, le vaisseau contribue au débarquement français à Saint-Christophe. Les 25 et 26 janvier, La Bourgogne toujours sous le commandement du chevalier de Charitte, participe au combat naval qui a lieu aux environs de l’île. Le 12 avril, la Bourgogne participe au malheureux combat des Saintes, non loin de la Dominique. Durant cette bataille qui vit la destruction du vaisseau amiral Ville de Paris et la capture de l’amiral de Grasse, la Bourgogne tint un rôle brillant et la conduite du capitaine de Charitte reçu l’approbation générale. A 5 heure 30, il était à moins d’un mille sous le vent de La Ville de Paris, et quant l’arrière garde eut viré, son vaisseau fut celui qui se tint le plus près de l’amiral. Le vaisseau fut toutefois abordé par le Duc de Bourgogne.

A l’issu de ce combat, les anglais félicitèrent Charitte de son héroïsme, en l’appelant « le brave capitaine du vaisseau noir », car il avait résisté brillamment jusqu’à la nuit et avait évité la perte de plusieurs vaisseaux français en les protégeant de son feu. Ces faits vinrent bien plus tard à la connaissance des Elus généraux de Bourgogne. Un décret du 6 août 1784 renferme des remerciements au Chevalier de Charitte « pour la gloire que le vaisseau La Bourgogne a acquise sous ses ordres, et notamment à la journée du 12 avril 1782. Cette décision fut adressée par les Elus généraux de Bourgogne au Maréchal de Castries, alors ministre de la Marine avec prière de l’insérer dans la Gazette de France, ce qui fut fait.

Le 25 avril, sous les ordres du chef d’escadre de Vaudreuil, il entre au Cap Français avec le reste de l’armée échappée du combat du 12 avril. Charitte est loué pour ses manœuvres pendant la journée du 12. Le 4 juillet 1782, le vaisseau quitte le Cap Français avec l’escadre de Vaudreuil pour les côtes de l’Amérique. Il arrive à Boston le 10 août 1782. Il quitte le Massachusetts le 24 décembre 1782 pour Puerto-Cabello avec des troupes de Rochambeau. Le 3 février 1783 La Bourgogne se perdit dans un naufrage au large des côtes de l’Amérique de sud, dans les parages de Curaçao devant la pointe d’Ubero (cap Ribero, dans le golfe du Venezuela). Son commandant était alors l’ancien commandant du Duc de Bourgogne, le capitaine Champmartin. Ce naufrage qui avait lieu quelques jours après les préliminaires de paix, était du à la mauvaise connaissance des parages. L’échouage se fit sur un récif à trois lieux des côtes alors qu’on s’en croyait à 30.

Dans le sauvetage qui fut très pénible à cause du grand nombre de soldats embarqués à bord, 10 officiers et 70 soldats et marins se noyèrent. Des hommes se sauvèrent à la nage et atteignirent la côte. La frégate La Néréide et un cutter arrivèrent à temps pour recueillir les 150 hommes restés à bord. Une goëlette espagnole avait recueilli 20 hommes livrés au gré des flots, sur un radeau à la dérive. Le capitaine de vaisseau Champmartin fut frappé d’une interdiction de trois mois à la suite du naufrage de son vaisseau.


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Archives navales de Brest
Un grand merci à Jean Salaud de l'entraide généalogique pour ces informations