La guerre de Hollande ou « guerre de Turenne » dans la région de Haguenau et sur la Zorn (1672-1678)


La guerre de Hollande prend sa source dans les ambitions de Louis XIV d’abattre la puissance hollandaise pour agrandir son royaume dans les Flandres et éliminer un concurrent commercial redoutable. Pour arriver à ses fins il veut d’abord casser la Triple alliance de La Haye créée en 1668 entre les Provinces-Unies, l'Angleterre et la Suède. Il se rapproche donc de ces deux dernières puissances pour les inciter à attaquer le nouvel ennemi commun.

L’Alsace à priori n’a aucune raison de se sentir concernée par ce conflit. Pourtant, la guerre va rapidement s’étendre tout le long du Rhin de la Hollande à la Suisse et embarquer les provinces limitrophes dans un gigantesque ouragan de destruction. La Basse-Alsace et la région de Haguenau furent tout particulièrement touchés par la ruine, car la région fut à la fois champ de bataille, zone de passage et de subsistance pour les armées, et centre stratégique dont les généraux détruisaient et reconstruisaient incessamment les défenses. Les paysans du baillage de Haguenau furent bien sûr mis à forte contribution. Ils devaient fournir les armées en fourrages et subsistances, ils étaient réquisitionnés avec leurs chariots et attelages pour le transport des biens de l’armée et étaient encore souvent forcés d’assister impuissants à la destruction et au pillage de leurs villages. La région émergera de cette guerre ruinée et la population épuisée.

 

Campagne de 1672 – Invasion de la Hollande

Le 28 mars 1672, Charles II d'Angleterre déclare la guerre aux Provinces-Unies. Le 6 avril, Louis XIV en fait de même. Les Français envahissent aussitôt la Hollande et passent le Rhin. C'est alors que l'empereur Léopold Ier décide de rompre la neutralité promise à Louis XIV. Il s'allie à l'électeur du Brandebourg le 23 juin et le 25 juillet avec les Provinces-Unies. Pour faire face et empêcher la jonction Allemands-Hollandais, Turenne est envoyé en Westphalie et Condé en Alsace.  

Pour Condé il s’agit d’abord de mettre l’Alsace en position de défense contre les impériaux.

Or, Soupçonneux quand à l’attitude de Strasbourg, ville libre dont l’allégeance va à l’empire, Condé fait détruire le pont de Kehl en novembre 1672 pour prévenir toute invasion du pays de Bade.

En décembre profitant du gel, les Français sont devant La Haye qui n'est sauvée que par un dégel soudain.

 

Campagne de 1673 – La grande coalition contre la France

 En Allemagne, le 26 juin, Turenne bat l'électeur de Brandebourg et le contraint à la neutralité. Le 29 juin, Louis XIV s'empare de Maastricht où d'Artagnan a trouvé la mort 4 jours plus tôt. Le 30 août, les Provinces-Unies, l'Autriche, l'Espagne et le duc de Lorraine Charles IV forment la Grande alliance de La Haye contre la France. Louis XIV se retrouve donc quasiment seul contre toute l’Europe.

Devant une telle coalition, l'état-major français est forcé de prendre de nouvelles dispositions. Il faut abandonner l’espoir d’une campagne éclair contre la Hollande et préparer une longue guerre de position sur un front qui va de la Hollande à l'Alsace, en passant par la Rhénanie.

L’Alsace apparaît immédiatement comme un point faible du dispositif français avec Strasbourg et les autres villes alsaciennes plutôt favorables à l’empire malgré l’occupation militaire française de leur province. D’ailleurs dès janvier 1673, les Strasbourgeois avaient entrepris la reconstruction de leur pont détruit sans l’autorisation du roi. En juin 1673, Condé, dans un rapport à Louvois, considère que les dix villes de la décapole, bien loin d’être soumises au roi, sont presque ennemies, et estime que  Louis XIV devrait « prendre le temps qu’il jugerait à propos pour mettre Colmar et Haguenau à la raison. »

Pour mettre un terme à tout désir de résistance des Alsaciens et empêcher les impériaux de fortifier les places d’Alsace en cas de conquête, Louvois ordonne le 23 août 1673  la démolition des remparts de Sélestat, de Haguenau, Wissembourg, Munster, Obernai et Rosheim. Quant à Colmar, la ville fut occupée et désarmée dès le 20 août. C'en est fini de l'indépendance des anciennes villes impériales d'Alsace. A la fin du mois d’août, Louis XIV se rend en Alsace en personne pour s’assurer de la fidélité de ces sujets si réticents.

 

Campagne de 1674 – Turenne en Alsace

Persuadé que Charles II cherche à rétablir le catholicisme, le Parlement anglais le force à faire la paix avec les Provinces-Unies en février 1674. La France doit donc évacuer les Provinces-Unies (sauf Maastricht). D’autre part, tous les princes allemands initialement favorables à la France font peu à peu défection, à l'exception de la Bavière. Une redoutable armée impériale sous les ordres de  Montecuccoli force Turenne à repasser le Rhin. L’Alsace se trouve donc directement menacée. Louis XIV continue néanmoins à attaquer en Franche-Comté qui appartient aux Espagnols alliés des impériaux. Il charge Turenne, on meilleur général, de protéger l’Alsace.

Le 4 avril, Turenne est à Lunéville. Il ordonne alors à Montclar cantonné en Alsace de rallier le marquis de Rochefort près de Saverne. Ce même mois, les Français sont aussi forcés d’évacuer Landau.

Turenne passe alors les Vosges et arrive près de Saverne le 19 avril. Le 24 il est à Ensisheim. Il se plaint à Louvois de ne disposer que de quelques corps d’infanterie pour se couvrir du côté de Haguenau, qui n’est gardé que par le régiment de Champagne, et du côté de Saverne où est entré celui de Languedoc.

La garnison de Haguenau est placée sous le commandement de Vaubrun. Une lettre de Vaubrun en date du 22 mai, rend compte de la présence entre cette place et Saverne de 5 bataillons anglais, à savoir 3 de Monmouth, Churchill et Hamilton, 2 des régiments Cornas et Montgeorge.

Turenne arrive à Haguenau le 30 mai. Il avait auparavant envoyé le marquis de Vaubrun liquider la résistance des habitants de  Neubourg, sur une île du Rhin. Après avoir été fortement pris à parti par les défenseurs, ce dernier fit brûler les 40 maisons qui composaient le village et emmena plus de 200 vaches, beaucoup de chevaux et un grand nombre de bétail. Il ne revint à Haguenau que le lendemain où il trouva Turenne qui avait quitté les environs de Bâle deux jours auparavant, avec toutes ses troupes, qu'il campa entre Saverne, Molsheim et Haguenau.

Le 2 juin, Turenne se rendit à Hochfelden, sur la Zorn, où il établit son quartier général. Le 3 juin, le maréchal apprit que Le général autrichien Caprara, avec  4,000 chevaux, avait quitté Heidelberg et allait se joindre au duc de Lorraine du côté d'Oberkirch, où tous les généraux confédérés devaient se rencontrer. Le duc de Lorraine avait alors remplacé Montecuccoli à la tête des troupes impériales.

Turenne retourna à Haguenau où il se rendit compte du mauvais état des fortifications détruites l’année précédente sur ordre de Louvois. Par sa position stratégique, la possession de cette ville était de toute importance. Turenne ordonna au marquis de Vaubrun d'en réparer les fortifications et d'y établir un magasin d'approvisionnement, aux frais de la ville évidemment. Turenne s'inquiétait du peu de garnison qu'il était contraint de laisser à Haguenau « qui a toujours été un lieu capital ». Il fit élargir la Moder qui passe sous ses murs, pour pouvoir faire remonter les bateaux du Rhin. Haguenau possédait de fort beaux moulins. C'était donc un centre bien choisi de ravitaillement. Il y fit entrer les dragons qui se trouvaient à Delle et à Belfort, ainsi que le régiment de Vaubrun et celui de Doucet. Il demanda à Louvois d'y envoyer 5 ou 600 hommes de la milice d'Alsace, pour y renforcer la garnison en tous cas insuffisante, s'il était forcé de s'avancer vers Trêves, Metz et Verdun.

Pendant ce temps, au début de juin, les Impériaux et les Lorrains étaient concentrés près de Strasbourg et leurs éclaireurs avaient même enlevés quelques soldats français ramenés à Strasbourg où ils furent finalement libérés par le magistrat de la ville.

Turenne continuait à réunir ses forces au camp de Hochfelden, entre Saverne et Strasbourg. Il attendait les renforts venus de Franche-Comté qui devaient atteindre Mirecourt le 13 ou 14 juin. Le Rhin seul séparait l'armée française de l'armée des Confédérés. La présence de Turenne sur la Zorn n'avait pour but que de surveiller les allures de Charles IV et de Caprara, qui, en s'approchant du pont de Strasbourg, avaient demandé au Magistrat de la ville qu'il leur livrât le fort qui « est au bout du pont en de là ».

Les combats n’avaient pas encore débuté en Alsace et pourtant la province était déjà à genou, surtout la région autour de la Zorn. Le nombre considérable de troupes qui y séjournaient depuis 7 mois l'avait complètement ruinée. Une grande famine s'y fit sentir. Le quarteau de blé y coûtait 4 florins. On ne pouvait plus se procurer de vin. Toutes les industries chômaient. Les contributions écrasantes levées par les Impériaux et les Français avaient semé partout la terreur. Les Français commirent les pires excès. Il fallait que Turenne remédiât à cet état de choses avant la moisson.

« On prend son parti en Flandre, selon ses forces, écrivait-il à Louis XIV, le 4 juin, mais dans ce pays-ci il faut combattre ou perdre un pays, j'entends de l'Alsace principalement, qui est si capitale que, si l'ennemi y était le maître, il laisserait Philippsbourg et Brisach derrière, et le Pays-Messin et la Lorraine lui seraient ouverts. »

Néanmoins, devant le refus obstiné du Magistrat de Strasbourg de laisser passer son armée sur le pont de Strasbourg, le Duc de Lorraine s’en alla vers le Palatinat. Lorsqu'il sut que Charles IV et Caprara avaient quitté Oberkirch, Turenne quitta, le 12 juin, son camp de Hochfelden. Le 13, il vint camper près d'Haguenau, mais sans son infanterie, car elle n'avait pu le suivre. Il ordonna au comte de Maulévrier d'en faire sortir du camp volant qu'il avait établi près de cette place, ainsi que quelques cavaliers et des dragons. A huit heures du malin, il passa le Rhin à Germersheim sur un pont de bateaux que Maulévrier avait fait construire en deuxjours. Puis il alla ravager le Palatinat. Les opération militaires s’éloignaient donc de l’Alsace mais pas pour longtemps. Dès septembre, les armées se dirigent à nouveau vers l’Alsace. A nouveau, les Impériaux mettent la pression sur le magistrat de Strasbourg qui cette fois cède. Le fort de Kehl est livré à Caprara le 24 et 25 septembre. Le 29 septembre le gros de l’armée impériale arrive à Kehl et le 1er octobre elle passe le Rhin et campe entre Illkirch et Graffenstaden. Turenne et son armée se trouvent alors au camp de la Wantzenau.

Les Impériaux décident alors d’envahir le sud. Ils s'étendirent au delà de l'Ill à Ensheim, Geispolsheim et Blaesheim; ils se virent aussi livrer Dachstein, petit poste fortifié dépendant de l'évêché de Strasbourg.

Ils étaient ainsi rapidement maîtres de toute la Haute-Alsace, d'où ils pouvaient tirer des moyens de subsistance, Turenne au contraire était obligé de vivre sur le bas pays fort épuisé. L'inégalité des forces était grande : les 22.000 Français avaient devant eux 35.000 à 36.000 alliés, non compris les Brandebourgeois, alors en route avec un renfort de 18.000 à 20.000 hommes. Dans cette situation difficile, Turenne prit la résolution énergique, de marcher aux confédérés et de les attaquer avant leur jonction avec les Brandebourgeois. Il indique sa pensée dans la lettre du 1er octobre à Louvois, mais avec quelque obscurité. « Si je ne change, je suis résolu dans deux jours, quand l'armée sera arrivée, de marcher dans les plaines, pour donner la main autant que je pourrai à Haguenau et au côté de Schlestadt, laissant Saverne derrière moi. »

Turenne se porta d’abord à Achenheim le 3 et de là attaqua l’armée impériale le 4 sur la Bruche. Après 7 heures de combat les impériaux se retirèrent. Turenne était sorti vainqueur de l’engagement malgré son infériorité numérique. Jugeant alors sa position aventureuse, il se retira d'abord entre Achenheim et Breuschwickersheim où il demeura deux jours et, le 7 octobre, poussa derrière la Mutzig à Marlenheim, à une lieue de Wasselonne. Cette dernière localité possédait alors un château fortifié dépendant de la ville de Strasbourg qui y plaçait une garnison de 50 hommes. Ce poste tenant la communication entre le camp de Turenne et Saverne,  le comte de Roye fut chargé de négocier avec le commandant du poste et réussit à lepersuader de recevoir un renfort de 40 de nos soldats pour assurer sa neutralité. De la sorte, Turenne couvrait Saverne; il pouvait aussi se porter sur Haguenau si les alliés faisaient mine de marcher dans cette direction.

Le 18, enfin, l'armée alliée passa la Bruche et s'avança sur Marlenheim, elle s'arrêta dans la plaine à une lieue des Français. Son mouvement fut signalé dès la pointe du jour par la cavalerie de Vaubrun et du comte de Roye; Turenne put se rendre compte de l'importance des forces qu'il avait devant lui. Il se décida à dérober son armée par une marche de nuit et à la reporter plus au nord, derrière la Zorn, à Dettwiller. Turenne s'établit ainsi le 19 derrière la Zorn, sur un front de 2 lieues environ, la droite à Dettwiller, la gauche à Hochfelden; il fit veiller toute la nuit et, le lendemain 20, l'ennemi fut signalé sur la route suivie par les Français la veille.

Le maréchal jugea sa position inattaquable de front, mais craignait d'être coupé soit de Saverne sur sa droite, soit de Haguenau à gauche. Pour parer à ce danger, il fit occuper Steinbourg (à mi-chemin de Saverne) et gâter tous les gués de la Zorn jusqu'à cette dernière place. De l'autre côté, il poussa un poste à Brumath à 2 lieues de Hochfelden, point de passage de la Zorn que l'ennemi devait utiliser s'il marchait sur Haguenau. Les gués ayant été également détruits de ce côté, des postes de cavalerie circulant entre Hochfelden et Brumath, un poste-vigie établi dans le clocher de cette dernière localité, il attendit les événements.

Les alliés, le 21, occupaient la rive droite de la Rohrbach (affluent de la Zorn), leur gauche au Kochersberg, la droite vers Hohatzenheim, à une lieue environ de Brumath. Quoi qu'il en soit, après être restés immobiles dans la journée du 21, ils dessinèrent le lendemain un mouvement de retraite en se donnant le succès facile d'enlever Wasselonne où Turenne avait laissé une garnison de 120 hommes. Un véritable corps de siège fut déployé devant cette bicoque; deux batteries, l'une de quatre, l'autre de six pièces, ouvrirent le feu; on creusa des tranchées; mais La Roncière et sa petite garnison tinrent bon ; le Grand Électeur, venu en personne pour diriger les opérations, ordonna un assaut que le lieutenant général Goltz conduisit lui-même et qui échoua. Néanmoins, étant donné la différence des forces en présence, les Français demandèrent à quitter la place ce qui leur fut accordé.

Jusqu'au 29 octobre, les deux armées restèrent ainsi en présence l'une de l'autre et, à cette date, les alliés, dont la subsistance était pénible et que la maladie affaiblissait chaque jour, se décidèrent à battre en retraite. La nouvelle d’un renfort français et celle de la construction d'un pont sur la Zorn donnèrent à penser aux alliés que Turenne allait prendre l'offensive. Ils jugèrent prudent de se retirer sur leur position initiale, entre Blaesheim et Geispolsheim et de s'y fortifier. Le 30 octobre, en effet arriva au quartier général de Turenne le marquis de Genlis avec 15 escadrons que le maréchal posta à Wilwilsheim, sur la Zorn, entre son camp et Hochfelden. Le marquis de Montauban amena, trois jours plus tard, 20 autres escadrons, ainsi que 8 bataillons. Turenne échelonna ses cantonnements en profondeur jusqu'à Ingwiller, mais restait couvert par la Zorn; il avait laissé le comte de Sault sur le versant occidental des Vosges. Ayant peine à faire subsister sa cavalerie dans la Basse-Alsace, Il renvoya à Créqui l'arrière-ban de la noblesse vers la Moselle et les Trois-Évêchés, d'où l'on pouvait surveiller les mouvements des alliés sur Trèves et couvrir les frontières de Lorraine et de Champagne. Il aurait pu prendre ses quartiers d'hiver, mais il craignait, en se retirant, de donner à l'ennemi la possibilité de s'emparer de Saverne et de Haguenau, et de se voir couper ainsi la route unique sur Philipsbourg. En prolongeant l'occupation des deux places ci-dessus, sans rien tenter contre les alliés, il inspirait à ceux-ci une confiance qui devait les amener à prendre eux-mêmes leurs quartiers d'hiver dans la Haute-Alsace. Ce résultat obtenu, il projetait de dérober son armée derrière la chaîne des Vosges et de fondre à l'improviste sur l'ennemi dispersé dans ses quartiers.

En novembre, Turenne porta son quartier général à Ingwiller.  Il tient Saverne par trois bataillons, Haguenau avec six; il fait raser le château de Hochfelden sur la Zorn, dont l'occupation par l'ennemi formerait obstacle à la communication entre Saverne et Haguenau. Le 20 novembre, laissant deux arrière-gardes de cavalerie de 300 chevaux chacune à Dettwiller, sous Quinçon et à Brumath sous Lançon, il fait exécuter le mouvement de retraite à ses troupes. Le lendemain 21, elles étaient étirées de Pfaffenhoffen à la Petite Pierre,  couvertes par la Moder dont les passages furent coupés jusqu'à Neubourg (deux lieues environ en amont de Haguenau). Les deux arrière-gardes échappèrent à l'ennemi et rejoignirent l'armée. Persuadés que Turenne est entré dans ses quartiers d’hiver, les Impériaux se retirent au pied des Vosges. Toutefois les vivres commencent à manquer dans l’armée de Turenne. Sa cavalerie surtout dépérissait. Turenne quitte donc l’Alsace le 30 novembre par le col de la petite Pierre.

Les Français laissaient derrière eux un champ de Ruines. A Haguenau, les registres paroissiaux de l’hiver 1674-75 font apparaitre un pic de décès du à une épidémie de peste, qui frappe 300 personnes. Le bilan démographique est d’ailleurs particulièrement négatif pour ces deux années ; 871 décès pour 444 naissances.

 

Campagne de 1675 – L’empire contre-attaque

Le Duc de Lorraine s’était lui aussi avancé en Lorraine et avait prit Epinal. Turenne décida alors de lancer une fulgurante campagne d’hiver pour surprendre ses ennemis. Il repasse les Vosges vers le Ballon d’Alsace sous la neige et débouche en Haute Alsace le 30 décembre. Il fonce alors vers le Rhin et écrase ses ennemis à la bataille de Turckheim le 5 janvier 1675. Les Impériaux sont forcés de repasser le Rhin.

Les mois suivants se passent à guerroyer sur la rive droite du Rhin. Turenne y retrouve son vieil ennemi Montecuculli rappelé par l’empereur pour mettre un terme à l’avance française. Au mois de Juin, au moment où une grande bataille allait s'engager près de Sasbach, un boulet de canon tua Turenne, le plus grand des généraux français. Sans chef, l’armée française fut forcée de se replier en Alsace. L’initiative était repassée du côté des impériaux. Ceux-ci s’empressèrent d’ailleurs de profiter de leur avantage et en aout 1675, une armée impériale commandée Montecuculli et le magrave Hermann de Bade, vient assiéger Haguenau, plaçant ses canons en batterie devant les portes de la ville. Un officier de mérite, le vieux commandant de Castellas était chargé de sa défense. Sous la mitraille, les Impériaux poussèrent leurs tranchées jusque près des murs. Le duc de Lorraine y fut d’ailleurs blessé. Le 20 au matin le bombardement commença. Rapidement, une brèche importante est ouverte dans le mur d’enceinte près de la porte rouge (vers Bischwiller). Mais soudain on annonça l'arrivée en Alsace du prince de Coudé, nommé par le roi de France pour succéder à Turenne. Le prince vint au secours des assiégés et Montecuculli crut sage de ne pas s'exposer aux dangers d'une attaque à revers. Il leva donc le siège dans la nuit du 21 au 22 août et se porta au devant de l’armée française massée aux environs de Strasbourg. Les deux généraux s’épièrent quelque temps mais l’année se termina  sans qu'il y eut une affaire décisive.

 

Campagne de 1676 – Indécision de l’armée française

La mort de Turenne avait grandement désorganisé l’armée française. L’armée du Rhin temporairement confiée à Condé après la mort de Turenne passa en 1676 sous les ordres du Maréchal de Luxembourg. Le ministre de la guerre Louvois passa l’année à regretter ce choix. En effet, les impériaux avaient décidé de porter leurs efforts sur la place de Philipsbourg qu’ils assiégèrent. Le Maréchal de Luxembourg chercha à secourir les assiégés mais son indécision et son manque d’audace le fit échouer. Durant cette année stérile, les français eurent quelques rencontres sanglantes dans le Kochersberg et près de Saverne mais sans succès décisif. Finalement le 9 septembre, après 4 mois de siège, la place forte stratégique française de Phillipsbourg fut obligée de se rendre. Luxembourg, qui était alors à Sélestat avec son armée pensa pouvoir profiter de l’absence de l’armée impériale pour surprendre Fribourg mais c’était compter sans le retour du duc de Lorraine qui avait remonté le Rhin pour revenir défendre ses bases du duché de Bade. Luxembourg dut donc abandonner ce plan et revenir en Alsace. En cette fin d’année 1676, la situation de l’Alsace était plus fragile que jamais. Ce fut alors que les Français prirent une décision tragique.

En décembre 1676, le très mauvais état des fortifications de Haguenau et la population réduite de la ville (un rapport de 1675 parle de 150 habitants) déterminent Louis XIV à suivre les conseils du maréchal de Luxembourg, commandant en Alsace qui lui avait écrit en avril 1676 qu’il vaut mieux supprimer tout simplement la ville pour que l’ennemi ne puisse y installer un camp : « Toutes choses bien considérées, il vaudrait mieux raser Haguenau que de songer à la garder. »

Le 22 décembre 1676, le ministre de la guerre Louvois transmet au maréchal de Montclar et à l’intendant de la Grange l’ordre d’exécuter cette tactique de la terre brûlée : raser les redoutes et l’enceinte fortifiée, expulser les habitants, incendier la ville entière sauf les églises pour « oster aux ennemis tous les moyens de se venir establir dans ce poste là. » Et pour éviter que l’opération ne vienne ternir l’image du roi, Louvois recommanda à Montclar de faire en sorte « qu’il ne paraisse pas que vous en ayez l’ordre mais bien que vous ayez pris ce party-là de vous-mesme ».

Les Français allaient donc détruire la ville qu’ils aspiraient pourtant depuis si longtemps à posséder.

 

Campagne de 1677 – La destruction de Haguenau

Le 3 janvier 1677, les généraux de Montclar et de Boys-David arrivèrent â Haguenau et prirent immédiatement leurs dispositions pour renverser les fortifications. Le 7 janvier on mina certaines tours, et quatre cents hommes furent employés à percer et à abattre les murs. Le 17, on pratiqua des mines sous le castel des Hohenstaufen du côté de l'hôtel du landvogt. Le 19, on fit sauter quatre redoutes entre la porte supérieure et la porte rouge. Le 21, on démolit celle de la porte de Wissembourg. Le 24, on fit sauter la tour du Kläfferthor et une autre appelée Eckthurm près de la porte de Saverne. Le 28, on renversa moyennant trois mines la tour carrée la plus forte de toutes, le Streckthurm près de la petite herse. On pratiqua aussi de nouvelles mines sous la burg et on les alluma. Cet édifice vénérable, d'une solidité parfaite, résista, et n'en fut que lézardé. Les soldats firent descendre la colombe qui surmontait la coupole de la basilique de Barberousse, croyant qu'elle était de métal précieux. Elle était d'une contenance de trois mille pintes, et les soldats la cédèrent au prix de six rixdalers, à l'ingénieur Gardauboys qui la fit partir pour la France. Le globe fut précipité sur l'hôtel Durkheim, se brisa en deux et les soldats s'en disputèrent la possession. D'autres tours furent renversées dans l'intervalle, et les 29, 30 et 31 janvier, on fit sauter par la mine celle de la porte de l'hôpital, qui écrasa en tombant la maison du garde. En somme on jeta à bas quarante tours et huit rondelles.

Le 10 février le commandant La Brosse, à la tête de 70 hommes met le feu aux autres immeubles de l’île ainsi qu’aux maisons de tout le quartier situé sur la rive droite de la Moder. Les habitants, prévenus s’enfuient à Bischwiller. Tout le cœur de la ville est livré aux flammes. L’incendie avait commencé à 5 heures du matin au moulin de la burg et à l'hôtel de la landvogtey, puis continuée au moulin dit herrenmühl et à son annexe au-delà du bras de la Moder, le moulin dit dischlaeh. Des deux côtés de la rue à partir de la Licorne, les maisons de la place d'armes et toutes celles de droite et de gauche jusqu'à la porte des arbalétriers ne furent bientôt qu'un brasier immense. Armés de torches, les soldats mirent le feu aux édifices à partir du pont de bois, puis aux maisons de toutes les rues voisines, celle des juifs, des bœufs, du bouc, de l'écurie, de l'anneau et de la rue Meyer. Une autre bande alluma le feu dans d'autres quartiers. La Brosse dirigeait l'opération avec le calme d'un homme entendu désignant de la main les édifices voués à la destruction, et obéi de ses soldats avec une ponctualité militaire. Plusieurs propriétaires, chrétiens et Israélites, firent épargner leurs maisons au moyen de sommes d'argent remises à la Brosse. On avait eu ordre d'épargner également les églises et les couvents qui devenaient le refuge des habitants, plongés dans la désolation et le dénuement. Mais les édifices publics, les hôtels des nobles, le tribunal des arcades, la maison de ville, l'arsenal, les greniers d'abondance, les magasins et plus de la moitié de la ville devinrent la proie des flammes. Les soldats, après cette exécution, évacuèrent la ville et abandonnèrent les habitants au désespoir.

Le 11, Montclar fait son rapport à Louvois : « J’achevai hier la démolition de Haguenau, après avoir averti les paysans quelques jours auparavant que quoyque Sa Majesté ne m’eut  pas ordonné de brusler la ville, j’avais jugé qu’il estoit de son service de laisser ce poste dans  un estat que les ennemis ne puissent pas songer à y en faire un. »

Le 17 février, les Haguenoviens nichés dans les ruines rendent compte à l’empereur à Vienne des malheurs que se sont abattus sur eux et implorent sa protection. Celui-ci, malgré ses désirs, ne pouvait rien pour la ville. Les représentants de la ville demandèrent au baron de Montclar l'autorisation de relever les murs ce qu’ils n’obtinrent pas.

L'incendiaire émérite de Haguenau, le capitaine la Brosse, ne survécut pas longtemps à ses actes de sauvage vandalisme. Le 23 juin 1677, dans une expédition, il fit la rencontre, entre Rosheim et Obernai, d'un détachement d'impériaux qui l'attaquèrent avec résolution. Les cent cavaliers qu'il commandait furent taillés en pièces, et lui-même percé de balles, tailladé de coups de sabre, fut tué après s'être défendu vigoureusement. Son corps, pendant trois jours, resta tout nu exposé sur le terrain sans recevoir de sépulture. Il avait le dessein, dit-on, d'incendier le bourg de Boersch.

Cependant à Haguenau on avait commencé à réparer provisoirement les portes et à colmater avec des briques les brèches du mur d’enceinte contrairement aux ordres de Montclar. C’est alors qu’un second malheur devait avoir lieu. En effet, des frictions se produisirent avec des patrouilles françaises et surtout deux bandits prisonniers profitèrent du désordre dans la ville pour assassiner un lieutenant de la garnison française et prendre la fuite. Lorsque Louvois apprit la nouvelle, le 8 septembre, il écrivit aussitôt au maréchal de Créquy, le nouveau commandant en chef de l’armée du Rhin pour lui ordonner de détruire les maisons que les habitants pouvaient avoir rebâties.  Il utilisa comme prétexte à cette destruction la possible conquête des Impériaux qui pourraient établir leurs quartiers d’hiver à Haguenau. Justement, le maréchal de Créquy venait d’arriver Ingwiller le 14 septembre, précédant ainsi en Alsace le duc de Lorraine qui s’était attardé dans la région de Kaiserslautern. Créquy espérait pouvoir maintenir suffisamment d’avance sur son ennemi pour pouvoir enlever quelque place forte au-delà du Rhin. Il séjourna a Ingwiller toute la journée du 15. Ayant eu vent de la menace qui pesait sur leur ville, les Haguenoviens envoyèrent au maréchal de Créquy une députation dans son quartier général d'Ingwiller pour tenter de conjurer la destruction entière et imminente de  la cité. Mais leurs demandes ne furent pas honorées. Le 16, Créquy ordonna de mettre le feu aux restes de Haguenau. Aussitôt ce fut le signal d’une nouvelle fuite pour les bourgeois, avec cette fois l’interdiction de retourner dans leur ville. Les ordres de Créquy furent suivis à la lettre. Tout ce qui avait résisté en février fut réduit en cendres à l’exception des couvents, des deux églises paroissiales et de quelques rares maisons particulières comme l’hôtel des Fleckenstein. De magnifiques monuments, la célèbre burg, que la mine n'avait pu renverser en janvier, s'affaissèrent dans les flammes, et le pays fut ainsi privé d'un de ses titres de gloire. D’après la chronique des Franciscains, « les flammes de ce désastre » étaient visibles jusqu’à Benfeld et Molsheim au sud, jusqu'à Spire au nord. Le 18 septembre, neuf sénateurs haguenoviens tiennent conseil à la Laube à Bischwiller où la population a trouvé refuge. Le 8 novembre, le sénat tient sa première réunion dans une ville en ruines, dans le local de la corporation des maçons (à l’emplacement de l’actuelle agence DNA).

Cependant le 16 septembre, l’armée française s’était rendue une nouvelle fois à Hochfelden sur la Zorn. Elle passa la Zorn le 18 et se porta dans la plaine d’Achenheim. Le 21 Créquy alla à Erstein et de là passa le Rhin à Rhinau.

 

Détail de la marche d’Ingwiller  à Hochefelden:

« La première ligne d’infanterie partant du camp d’Ingwiller par Nieder-Saltzbach, laissa Bouxwiller à Droite, et prit le chemin de cette ville à Strasbourg, qu’elle suivit jusqu’à Hochfelden, où elle campa. La Brigade de la Maison du roi partant du même camp, passa à Urwiller, laissa Kerwiller à gauche, passa par Lixhausen et Bossendorf, laissa Hochfelden à gauche et se rendit à Schwindratzheim où elle cantonna. Trois brigades de cavalerie partant aussi du même camp, laissèrent Bouxwiller à gauche, passèrent à la Justice et sur la hauteur d’Inssin ( Imbsheim), laissèrent Dettwiller à droite, passèrent la Zorn à Wilwisheim et allèrent cantonner à Ingenheim et Schaffouse. La seconde ligne d’infanterie partant du camp de Neuwiller, passa à Griesbach, laissa Rossenwiller et Dettwiller à droite, passa à Wilwisheim et se rendit au camp d’Hochfelden : deux brigades de cavalerie partant du même camp, suivirent cette marche jusqu'à Dettwiller où elles passèrent la Zorn pour aller cantonner à Lupstein et Waldolwisheim : une troisième brigade venant aussi du même camp, alla passer à Steinberg, et de là à Furckhausen, pour aller cantonner à Mundolsheim. L’artillerie et l’infanterie qui était avec elle partant du camp de Saint-Jean-des-Choux, allèrent passer à Monswiller d’où elles prirent le grand chemin de Saverne à Strasbourg, pour se rendre à Mundolsheim où elle cantonnèrent : la Brigade de cavalerie qui faisait partie des Troupes qui étaient avec elle, alla cantonner à Alteckendorf, derrière Hochfelden.

Tous ces chemins sont fort aisés quoique traversés de petits ruisseaux. Le camp se prend sur une fort belle hauteur, la droite au ruisseau qui tombe dans la Zorn au dessous d’Hochfelden et la gauche s’étendant jusqu’à Wilwisheim à un autre petit ruisseau qui tombe aussi dans la Zorn. »

 

Détail de la marche de Hochefelden à la plaine d’Achenheim

« L’armée arriva dans son camp par quatre chemins différents. La Brigade de la Maison du roi et les trois Brigades de Cavalerie qui cantonnaient à Ingenheim et Schaffhouse, passèrent par Hohfrankenheim, Kleinfrankenheim et Stelzen (Stutzheim ?) et se rendirent à Achenheim. L’infanterie partant de son camp, passa la Zron au pont d’Hochfelden et à celui du moulin de cet endroit, laissa Schaffhouse à droite et Hohfrankenheim à gauche, passa à Gougenheim, monta à la hauteur de Kochersberg, laissant Durningen à gauche, alla passer à Quatzenheim, de là à Hennen (Handschuhheim ?) et entra dans la plaine du camp. Les deux brigades de cavalerie qui cantonnaient à Lupsheim et Waldolwisheim laissèrent le château de Kochersberg à gauche, passèrent à Avenheim de là à Herken( Hurtigheim ?) et de là se rendirent au camp. L’artillerie, les gros équipages et les troupes qui étaient cantonnées avec eux à Mundolsheim suivirent le grand chemin de Strasbourg jusqu’à Kuttolsheim allèrent de là passer à Firnen (Furdenheim ?) et se rendirent au camp.

Ces différents chemins sont traversés de quelques ruisseaux que l’on passe aisément. »[1]


Le maréchal de Créquy revint en Alsace le 1er et 2 octobre après avoir ruiné le pays de Bade et vint camper  a Geispitzen (Geispolsheim ?). Le 3, il alla camper dans la plaine de Marlenheim. Le même jour l’avant-garde des impériaux avait passé le Rhin plus au nord sur le pont de Strasbourg. Créquy soupçonnait alors que le duc de Lorraine cherchait à s’avancer sur Saverne pour soutenir les postes qu’ils avait sur la Saare. Le 5 toute l’armée impériale passa le Rhin et campa à Hoenheim. Le 6 on la vit marcher à Gougenheim où elle établit son camp. Au sud, Créquy s’avança alors vers ses ennemis et se porta près du vieux château de Kochersberg. Il envoya cette nuit-là (du 6 au 7) en avant pour ouvrir la marche un régiment de dragons et une brigade de cavalerie pour occuper la hauteur de Kochersberg. Au matin, son armée était en place avec son aile gauche à Rangen et son aile droite s’appuyant sur le Kochersberg. Il établit également dans les ruines du Kochersberg une brigade d’infanterie avec du canon et mit aussi à portée une autre brigade et les dragons pour soutenir ce poste. Quelques escarmouches eurent lieu entre les avant-gardes du côté de Durningen. Il y eut ensuite un combat d’une heure et demi impliquant l’aile droite française. Créquy ayant ordre de ne pas engager de bataille, avait passé la consigne. Villars, qui commandait l’aile française attaquée, la droite, n’avait qu’un détachement modeste avec lui. Il recula, et avec deux escadrons de la Maison du roi, repoussa douze escadrons de cavalerie ennemis, grâce à la supériorité manœuvrière de ses cavaliers (chevau-légers, gardes et gendarmes de la garde). Au cours de cet affrontement limité à une aile de cavalerie de chaque côté, nul ne prit d’avantage décisif, mais les Français parvinrent à se saisir de plusieurs étendards ennemis et firent quelques prisonniers de marque, dont le comte de Haran.

Après ça, les armées restèrent dans leurs positions à s’observer. Chacun espérait que l’autre leva le camp par manque de fourrages et subsistances. Le Kochersberg était alors déjà passablement ruiné par plusieurs années de guerre. Créquy d’ailleurs mettait tout en œuvre pour pouvoir tenir la campagne jusqu'à l’hiver. Finalement, voyant que son armée commençait à se ressentir de la rigueur de la saison et du défaut de  fourrages, il décida de lever le camp le 19 octobre, de nuit pour aller vers la Bruche. Le 25, le duc de Lorraine leva le camp à son tour et partit vers le nord en passant par Hochfelden pour aller à Pfaffenhoffen. De là, il se replia sur le palatinat. Pendant ce temps, Créquy se rendit à Sélestat et de là alla assiéger Fribourg. Une fois de plus les opérations étaient portées hors d’Alsace mais pour combien de temps ?

 

Campagne de 1678 – Dernières souffrances

Louis XIV décide de parer la menace de l'alliance anglo-hollandaise. Faisant converger ses armées, il prend Gand (9 mars) puis Ypres (25 mars). Les Hollandais sont de nouveau directement menacés. Dans la ville de Nimègue les négociateur des deux parties chargées de trouver un compromis d’entente sont presque d'accord sur les conditions de paix, mais Louis XIV demande que son allié suédois récupère les territoires perdus en Allemagne. L'empereur, l'électeur de Brandebourg et le roi du Danemark, concernés par ces territoires refusent de les rendre. La guerre reprend. La clé du conflit viendrait une fois de plus des opérations ayant lieu sur le Rhin.

Le duc de Lorraine à la tête de l'armée impériale cherchait à dégager Strasbourg dont le maréchal de Créquy menaçait de faire le siège et dont le fort de Kehl venait déjà d'être pris d'assaut par le régiment de Champagne aux ordres de M. de Bois-David. Il passa donc le Rhin et investit Landau. La place fut prise d'assaut malgré la résistance de la petite garnison qu'on y avait laissé et livrée au pillage. Cependant en juillet sur la Zorn près de Hochfelden, un contingent autrichien sous les ordres du général Mercy fut défait par les troupes françaises du comte de Langalerie ce qui permit au maréchal de Créquy de marcher vers le nord sur la Lauter. Ces développement ôtèrent tout espoir aux Impériaux de conquérir l’Alsace et ils décidèrent d’évacuer leur conquête et de repasser le Rhin.

Il n’en fallait pas plus à Louis XIV pour imposer un dénouement à la guerre selon les termes qu’il souhaitait. La paix de Nimègue fut signée le 10 août 1678 avec les Provinces-Unies. Malgré la cessation des hostilités, une dernière épreuve devait être imposée à Haguenau.  En effet, en conquérant une fois

De plus la métropole alsacienne, les soudards français se comportèrent comme des brigands et pillèrent cette ville qu’il désiraient pourtant intégrer à leur royaume. La veille de cet évènement, jour de l’assomption de la Vierge, on avait remarqué à la maison des jésuites qu'un cierge allumé devant l'image de la Sainte-Vierge s'éteignit subitement. Le funeste présage eut son accomplissement dès le jour suivant, 16 août 1678.

Une foule de paysans des alentours réfugiés dans la ville, s'étaient établis avec leurs meubles et leurs troupeaux sous la tente et dans les réduits où ils se croyaient en sûreté. Le maréchal de Créquy avait ordonné de ménager les couvents. Malgré cela, le collège des jésuites et le monastère des dominicains eurent à souffrir de diverses irruptions violentes. On brisa les portes, on enleva les fourrages, on vola les ustensiles, on fureta dans ces maisons pour découvrir des objets cachés. Le tumulte fut à son comble: larmes, supplications, exhortations, rien n'adoucit la cupidité du soldat, qui n'épargnait que la vie. Créquy avait donné une sauvegarde aux pères jésuites; on la leur enleva et le 26 août, quand le duc de Joyeuse entra à Haguenau, les soldats envahirent la maison des pères, et pillèrent ce qui restait dans les caves. Les pères n'étaient plus maîtres de rien, et tout ce que la confiance des habitants avait mis en Situation de dépôt chez eux fui enlevé. Marienthal subissait les mêmes horreurs. L'église était à moitié ruinée, l'ameublement perdu. La chronique des jésuites fit de cet évènement la description suivante :

« Personne ne s’attendait à rien, lorsque le lendemain de l’Assomption 1678, vers 8 heures du matin, les Français envahirent la ville pour la piller. Cette invasion provoque une consternation générale. Les bourgeois et les paysans qui s’étaient réfugiés à Haguenau, croyant y trouver plus de sécurité, s’enfuient aussitôt des maisons, des granges, des écuries qui leur servaient d’habitation depuis le premier incendie (du mois de février 1677), avec leurs femmes, leurs enfants, leurs bétail, leurs meubles les plus précieux. Ils se précipitent en foule vers le collège et les autres couvents pour y chercher un asyle : salles, bibliothèques, chambres, écuries, bûcher, jardins, tout fut occupé par ces étrangers.

« Le maréchal de Créqui avait défendu de causer quelque dommage aux établissements religieux. Mais il ne put empêcher que des irruptions violentes ne fussent faites au collège et chez les pères dominicains. Nos portes furent brisées ; les soldats se mirent à enlever nos foins et notre vaisselle d’étain, à piller les bagages des paysans. On parcourut toute la maison, on visita avec soin les chambres, les greniers, la chapelle, tous les lieux où l’on espérait trouver quelque chose. Toute la ville était jonchée de meubles ; les bêtes tuées étaient amoncelées sur les places. On n’entendait partout que pleurs, cris, gémissements. Les soldats ne laissaient aux pauvres gens que la vie sauve.

« le collège eut quelque repos dans la journée du 17 août. Mais le 18 les pillards revinrent sous prétexte de le protéger. On s’efforça en vain de les satisfaire en leur prodiguant le vin et l’argent qu’on avait sous la main ; ils reprirent leur œuvre de rapacité, et si un courrier de Créquy n’était venu renouveler ses ordres formels, le collège et tous les couvents subissaient le même sort que le reste de la ville.

« Le 19 le maréchal lui-même, sur le rapport d’un protestant que nous avions autrefois sauvé de la corde, nous dépêcha son intendant qui vida nos caves aux prix qu’il lui plut de fixer.

« Le 20 il y eut un si grand passage d’officiers, que dans la matinée seule il leur fallut servir six repas successifs, au milieu des craintes continuelles de pillage.

« Le 21 le monastère des Augustins fut pillé pour la troisième fois et les pères eux-mêmes, malmenés de toute façon, furent l’objet des plus cruels traitements. Pour nous, nous eûmes à héberger toute la journée, à grands frais, nos gardes, ainsi que les soldats et officiers qu’on ne cessait de nous adresser.

« Sur ces entrefaites le maréchal retira sa sauve-garde, à laquelle nous donnions, par libéralité, chaque jour quatre thalers, et un poste de dragons que payions aussi selon leurs services. »

Montclar avait officiellement permis aux Haguenoviens de revenir dans la ville en juillet 1678, et en août Créquy autorisa la reconstruction de la ville. On en avait enfin fini de la guerre. L'année suivante, quand la paix de Nimègue fut publiée, les braves Haguenoviens, sous la conduite de leurs religieux firent une grande procession expiatoire, la première depuis le commencement de la guerre. Concrètement, le traité de Nimègue de février 1679 consacrait la soumission de l’Alsace à la France. Louis XIV imposait ainsi son interprétation du traité de Munster de 1648 et affirmait que Haguenau comme les autres villes de la décapole était unie et incorporée à perpétuité à la France : « L’empereur et l’Empire nous ont cédé tous les droits sur la préfecture des dix villes impériales… pour être unis et incorporés à perpétuité à notre couronne. » Dès octobre 1679, Haguenau dut prêter serment de fidélité à Montclar qui fut son bourreau et qui serait désormais son grand bailli. Il ne restait plus que Strasbourg, encore indépendante de la main mise française. Le dernier acte eut lieu en 1681 lorsque 30.000 soldats français forcèrent la ville à se rendre et à se soumettre à son tour au roi Soleil. L’Alsace entière était définitivement passée à la France.[2] Le traité de Nimègue fut un triomphe pour Louis XIV malgré son échec à conquérir les Pays-Bas. A son retour à Paris il fut surnommé Louis le Grand.

 

Sources :

Wikipedia – « La guerre de Hollande »

« Histoire politique et religieuse de Haguenau » par Victor Guerber

« La Chronique des Jésuites de Haguenau » publiée par Georges Gromer

« Histoire de Haguenau » Grasser et Traband

« Turenne en Alsace: Campagne de 1674-1675 » par Emile Legrand-Girarde

« La Bataille de Turckheim», Revue d'Alsace – Volume 2 par Fédération des sociétés d'histoire et d'archéologie d'Alsace

« Turenne: Sa vie, les institutions militaires de son temps » par Jules Roy

« Campagne de M. Le Maréchal de Créquy, en Lorraine et en Alsace, en 1677 » par Carlet de la Roziere

« Mémoires » par l’Académie de Stanislas (Nancy, France)



[1] « Campagne de M. Le Maréchal de Créquy, en Lorraine et en Alsace, en 1677 » par Carlet de la Roziere

[2] Il restait en fait Mulhouse, ville sous influence suisse, qui ne serait rattachée à la France qu’à la révolution.


Clotaire II
Henri de Turenne







Haguenau
Haguenau au XVIIe siecle